Analyse de l’article d’Edouard Ganche «
Frédéric Chopin sujet polonais » paru dans Voyages
avec Frédéric Chopin (1934)
Classement : écrits sur Chopin ; nationalité de
Frédéric Chopin
Ceci est une suite de la page Edouard
Ganche 3 « Frédéric Chopin sujet polonais » dans laquelle se trouve le
texte de ce chapitre de l’ouvrage Voyages avec Frédéric Chopin (1934)
On trouvera ci-dessous une analyse de ce
chapitre.
Analyse
Edouard Ganche annonce qu’il va traiter la question de « l’appartenance
entière de Frédéric Chopin à la Pologne comme sujet polonais » de deux
points de vue : celui des lois et celui des faits.
L’article se compose bien de deux parties, la première est
effectivement consacrée à l’aspect légal de la question ; dans la seconde,
en revanche, la problématique « sujet polonais » est abandonnée,
l’auteur revient à des énoncés biographiques classiques, qui n’ont pas une
grande valeur objective.
Le point de vue légal
Les arguments d’Edouard Ganche sont pour une part fondés,
mais en ce qui concerne cette part, traités de façon trop elliptique , pour une
part infondés, avec l’introduction de la notion de « sujet russe »,
qui va à l’encontre de ce qu’il cherche à démontrer, que Chopin est un
« sujet polonais ».
Nicolas Chopin
*« Frédéric Chopin, né en 1810, dans le duché de
Varsovie, c'est-à-dire dans une Pologne réduite, mais libre, était
citoyen polonais pour
la raison péremptoire et simple que son père était déjà citoyen polonais »
(page 32)
On peut passer sur le fait que l’auteur assimile la
citoyenneté du duché de Varsovie à la citoyenneté polonaise, qui peut être
considéré comme un raccourci simplificateur, plutôt que comme une erreur.
« Trois articles [cités] du Code civil frappaient le
père de Frédéric Chopin et lui ôtaient sa qualité de Français » (page 33)
On peut discuter l’application de l’article 21 au cas de
Chopin (« prendre du service à l’étranger sans autorisation ») étant
donné que ces faits sont antérieurs au Code civil et qu’au moment où ils ont eu
lieu, ils n’étaient pas répréhensibles aux yeux du gouvernement français (qui
aurait certainement donné son autorisation si elle lui avait été demandée).
En revanche, l’article 17
paraît applicable (alinéas 2 : prise de fonctions publiques et 3 : établissement sans esprit de retour) au cas de Nicolas Chopin.
« l’interdiction le concernant ne fut peut-être pas
complètement étrangère à son abandon du pays natal » (page 33)
Dans cette phrase, Edouard Ganche extrapole de façon
incorrecte et infondée : en réalité, Nicolas Chopin n’a jamais été informé
qu’il ait perdu la qualité de Français, pour la raison que les autorités
françaises n’étaient pas au courant de son existence. Il n’y a donc aucune
raison de supposer que Nicolas Chopin ait agi, ou réagi, en fonction d’une
« interdiction » qui n’était que virtuelle et dont il ignorait probablement
la menace.
« Nicolas Chopin, par une inexplicable et stupéfiante
anomalie, ne donna jamais un signe de vie à son père, à sa mère, à ses sœurs et renia sa
famille » (page 33)
Edouard Ganche quitte ici le terrain de la légalité pour celui des
suppositions sur les relations de Nicolas Chopin avec sa famille, et un peu
plus loin, sur son point de vue à propos de la France.
Frédéric Chopin
« Le paragraphe 10 (livre 1er) du Code Civil
dit :
Tout enfant né, en pays étranger, d’un Français qui aurait
perdu la qualité de Français, pourra toujours recouvrer cette qualité, en
remplissant les formalités prescrites par l’article 9. / Toutes ces lois jetaient Frédéric Chopin hors de France »
(page 33)
On remarquera qu’Edouard Ganche omet le début de l’article
10 (« Tout enfant né d’un Français en pays étranger, est Français. »), mais surtout, interprète de façon surprenante la phrase
qu’il cite. Il est évident que cette stipulation ne « rejette pas Frédéric
Chopin hors de France », mais constituerait pour lui un moyen de devenir
français.
Cette erreur est suivie par un excursus purement
sentimental.
« Quand le duché de Varsovie fut, en 1815, réuni à
l’empire russe, Frédéric
Chopin devint légalement sujet russe » et « en 1849, lors de sa mort,
l’illustre compositeur était sujet russe » (page 34)
Il est étonnant que Ganche énonce aussi péremptoirement une
idée qu’on ne rencontre presque jamais dans la littérature, même s'il lui dénie toute importance immédiatement après. En l’occurrence, dans la
mesure où il existe, du fait du traité de Vienne, un « royaume de Pologne », que par ailleurs la Russie n’a remis en cause que dans les années 1860, Chopin est
« sujet du roi de Pologne », ou même, selon l’énoncé du Code civil
polonais de 1825 « Polonais, sujet du royaume de Pologne ».
« Il eut la faculté, pareillement aux émigrés polonais,
de solliciter la naturalisation française. » (page 35)
En fait, ce ne sont pas les « émigrés polonais »
qui pouvaient demander la naturalisation, mais tout étranger vivant en France.
Mais, en ce qui concerne Chopin, comme on l’a vu plus haut, sa situation était particulière : né d’un père né Français.
« Son père lui écrivait en 1834 : « Puisqu’il
semble que tu resteras encore quelque temps dans "l’étranger", je te dirais, mon enfant, qu’il y a dû avoir dans
les gazettes de France en date du 11 juin que "tout Polonais ait à
demander une prolongation de son passeport".
Comme tu es parti avant les troubles et que tu n’y as eu aucune part, tu me
ferais plaisir de prendre des renseignements à ce sujet, ce qu’il t’est facile
de faire à l’Ambassade. Je t’avoue que je ne désirerais pas que, par
négligence, tu te trouvasses mis au nombre des réfugiés. » (page 36)
L’aspect biographique (Frédéric Chopin)
« L’éloignement du pays natal et du pays durement
opprimé eut comme conséquence immédiate d’aviver chez l’artiste créateur son
attachement à sa Nation, de tendre vers les sources d’inspiration polonaise
toutes les forces de son cerveau, de lui donner la puissance de réaliser une
représentation idéale d’un peuple dans un art souverainement évocateur,
démonstratif et séduisant. Sa musique possède une signification explicite parce
qu’il y eut interdépendance entre elle et tous les éléments vitaux de la
Pologne. » (page 34-35)
« La seule proposition [la naturalisation] en aurait
été reçue par lui avec colère et indignation. « Je me suis attaché aux Français
comme aux miens propres », écrivait-il en 1848 » (page 35)
La phrase qu’il cite ne corrobore pas de
façon flagrante sa supposition.
« En Espagne même, à Majorque, pendant qu’il
accomplit, en 1838, un de ces voyages que l’homme souhaite dans les plus beaux
rêves de sa jeunesse, Chopin est-il intéressé, remué par la nature,
l’ambiance ? […] toutes ses pensées sont dirigées vers la Pologne, car le
plus beau rêve d’amour chez Chopin sera toujours subordonné au rêve polonais. »
(page 36-37)
« Dans ses nombreuses lettres à sa famille, il se
plaint souvent de vivre au milieu "d’étrangers" » (page 36)
« Constatons comment Frédéric Chopin écrivait très mal le
français et recherchait toutes les occasions d’écrire ou de s’exprimer dans sa
langue maternelle. » (page 37)
« De l’éducation, de l’instruction polonaise de Chopin,
de leur influence prépondérante sur son œuvre, les preuves surabondent. Il n’y
eut jamais un Polonais plus polonais que l’auteur des Ballades et
des Mazurkas.
Peu de Polonais au temps de Frédéric Chopin connurent mieux la Pologne. »
Certains éléments sont intéressants en ce qui concerne la
pensée et les habitudes de Chopin, d’autres en ce qui concerne la pensée d’Edouard Ganche sur Chopin. Mais on se trouve dans une région où règne la subjectivité, et qui
de ce fait ne permet pas de fonder une véritable discussion.
A venir
Commentaire
Création : 8 janvier 2015
Mise à jour :
Révision : 11 juillet 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 176 Edouard Ganche 3 « Chopin sujet polonais » : analyse
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2015/01/edouard-ganche-3-chopin-sujet-polonais_8.html
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