jeudi 15 mars 2018

324. A propos d'une lettre de Witwicki à Chopin (1831)

Quelques informations sur une lettre de Witwicki à Chopin


Classement :


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Bibliographie

Table des Matières : vue d’ensemble
Première partie :Aperçus historiques (Pologne et relations franco-polonaises)
Deuxième partie :Frédéric Chopin, questions biographiques
Troisième partie :La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :
Le statut de Frédéric Chopin quant à la nationalité
Le statut de Nicolas Chopin quant à la nationalité

Index des personnes citées dans le blog


Référence
*Bronislaw Edouard Sydow (éd.), Correspondance de Frédéric Chopin [I], L'aube, 1816-1831, Paris, Richard-Masse, 1953, pages 268-271

L’auteur
Stéphane Witwicki (Stefan Witwicki, 1801-1847), écrivain (poète) et militant patriote. Voir la page Notices biographiques.

Présentation
Cette lettre est souvent citée dans les biographies de Chopin parce que Witwicki y fait des recommandations d’ordre « patriotique » sur la suite de la carrière de Chopin, qui ne les suivra d’ailleurs pas.
Chopin se trouve alors (depuis novembre 1830)  à Vienne, qu’il va bientôt quitter en raison des tensions que génère l’insurrection du royaume de Pologne contre la Russie (commencée le 29 novembre 1830).
Le texte original (non reproduit) est en polonais (traduction de Bronislaw Sydow).

Texte
Page 268
« 6 juillet 1831, Varsovie.

Page 269
Cher Monsieur Frédéric,
Permettez-moi de me rappeler à votre souvenir et de vous remercier pour vos admirables chansons. Elles ont plu infiniment, non seulement à moi, mais à tous ceux qui les ont entendues ; et vous-même vous avoueriez qu’elles sont très belles, si vous les entendiez chanter par votre sœur. Vous devez absolument être le créateur de l’opéra polonais ; je suis profondément convaincu que vous pourriez le devenir et, comme compositeur national polonais, frayer à votre talent une voie extrêmement riche qui vous mènerait à une renommée peu commune. Pourvu que vous ayez toujours en vue : la nationalité, la nationalité et encore une fois la nationalité ; c’est un mot à peu près vide de sens pour un écrivain ordinaire, mais non pour un talent comme le vôtre. Il y a une mélodie natale comme il y a un climat natal. Les montagnes, les forêts, les eaux et les prairies ont leur voix natale, intérieure, quoique chaque âme ne la saisisse pas. Je suis persuadé que l’opéra slave, appelé à la vie par un véritable talent, par un compositeur plein de sentiments et d’idées, brillera un jour dans le monde musical comme un nouveau soleil, peut-être même s’élèvera-t-il au-dessus de tous les autres, et aura-t-il autant de mélodie que l’opéra italien, plus de sentiment encore et incomparablement plus de pensée. Chaque fois que j’y songe, cher Monsieur Frédéric, je me berce de la douce espérance que vous serez le premier qui saurez puiser dans les vastes

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trésors de la mélodie slave ; si vous ne suiviez pas cette voie, vous renonceriez volontairement aux plus beaux lauriers. Laissez l’imitation aux autres ; que les médiocres s’en occupent. Vous, soyez original, national ; peut-être, au commencement, peut-être ne serez-vous pas compris par tous, mais la persévérance et la culture dans un champ élu par vous, vous assureront un nom dans la postérité. Celui qui veut s’élever dans un art quelconque et devenir un véritable maître, doit poursuivre toujours un grand but. Pardon de vous avoir écrit cela, mais croyez que ces conseils et ces souhaits sont dictés par une sincère amitié et par l’estime que m’inspire votre talent. Si vous allez en Italie, vous feriez bien de vous arrêter un certain temps en Dalmatie et en Illyrie pour connaître les chants de ce peuple frère, ainsi qu’en Moravie et en Bohême. Cherchez les mélodies populaires slaves, comme le minéralogiste cherche les pierres et les métaux dans les montagnes et les vallées. Même vous jugerez peut-être convenable de noter certains chants ; ce serait pour vous-même une collection extrêmement utile ; il ne faut pas regretter le temps qu’on emploie à cela. Pardon encore une fois pour mon griffonnage importun ; j’abandonne ce sujet.
Vos parents et vos sœurs jouissent d’une santé parfaite ; j’ai de temps à autre le plaisir de les voir. Nous vivons tous ici dans une fièvre continuelle ; ma santé, jusqu'à présent, fut si malheureusement mauvaise que je n’ai pu me mettre en campagne. Tandis que les autres

Page 271
jouaient à la balle, moi, je m’amusais avec des pilules ; pourtant je fais partie de l’artillerie de la garde nationale. On m’a dit que là-bas vous vous ennuyez et que vous languissez. Je me mets dans votre situation ; aucun Polonais maintenant ne peut être tranquille, quand il y va de la vie ou de la mort de sa patrie. Il faut souhaiter pourtant que vous vous souveniez toujours, cher ami, que vous êtes parti, non pour languir, mais pour vous perfectionner dans votre art, et devenir la consolation et la gloire de votre famille et de votre pays. Je me permets de vous envoyer ces conseils avec l’autorisation de votre respectable mère. En vérité pour travailler avec fruit, il faut avoir l’esprit libre, sans inquiétude et sans soucis.
Au revoir, cher Monsieur Frédéric, je vous souhaite la santé et tout le bien possible.
Votre ami,
                                                                                  Witwicki

P.S. Si vous voulez encore faire la musique d’une chanson quelconque en prenant deux strophes à la fois comme dans le Messager, ne faites pas attention si elles sont impaires, je peux en ajouter une de plus.
Adieu. »

Notes
*votre sœur : Louise ou Isabelle
*compositeur national polonais : à venir
*la nationalité, la nationalité et encore une fois la nationalité : à venir
*leur voix natale : à venir
*les trésors de la mélodie slave : Witwicki abandonne ici le plan « national polonais » et passe au plan du « monde slave »
*Dalmatie : la côte orientale de la mer Adriatique entre l’Italie et l’Albanie ; Witwicki pense sans doute surtout à la partie croate de cette côte
*Illyrie : à première vue, il est difficile de différencier l’Illyrie de la Dalmatie
*Moravie : région située entre la Bohème et la Slovaquie ; ville principale : Brno ; cette région est depuis le XIème siècle une partie du royaume de Bohême ;
*Bohême : pays des Tchèques ; ville principale : Prague, capitale du « royaume de Bohême »
*cherchez les mélodies populaires slaves : à venir
*me mettre en campagne : évocation de l’insurrection de 1830-1831, qui a cette date est assez proche de sa fin
*la vie ou de la mort de sa patrie : idem
*vos sœurs : Louise et Isabelle
*le Messager : ?



Création : 15 mars 2018
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 324. A propos d'une lettre de Witwicki à Chopin (1831)
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2018/03/lettre-witwitski-chopin-1831.html







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