Quelques informations sur la lettre de Chopin à Titus
Woyciechowski du 25 décembre 1831, dans laquelle est évoquée le général Ramorino :
la version de Guy de Pourtalès
Classement : biographie de Frédéric Chopin ;
période française (1831)
Ceci est une suite des pages
Cette lettre est une des plus connues de la correspondance
de Chopin, notamment parce qu’il y fait état des manifestations en faveur du
général Ramorino, qui ont eu lieu peu après l’arrivée de celui-ci à Paris,
alors qu’il logeait non loin de l’appartement occupé par Chopin à cette époque.
Ce passage, notamment une phrase, pose un problème d’interprétation, concernant
les sentiments exprimés par Chopin au sujet de ces manifestations.
Je donne ci-dessous le texte écrit à ce sujet par Guy de
Pourtalès dans son livre sur Chopin.
Références
*Guy de Pourtalès, Chopin ou le poète,
Paris, Gallimard, coll. « Vies des hommes illustres », 1927, chapitre
*Korespondencja Fryderyka Chopin Tom drugi, zebrał
i opracował Bronisław Edward Sydow, Varsovie, Państwowy Instytut
Wydawniczy, 1955, pages 207-212
*Correspondance de Frédéric Chopin L’ascension 1831-1840,
édition de Bronislas Edouard Sydow, Paris, Richard-Masse éditeurs, 1954, pages
55-63
*Edouard Ganche, Frédéric Chopin Sa vie et ses
œuvres 1810-1849, Paris, Mercure de France, 1937 (19ème édition), pages
81-83 : « Frédéric Chopin en France, Chapitre 1 : 1831-1834 »
(voir les pages Edouard
Ganche biographe de Chopin 2 Frédéric Chopin)
Texte
«
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VI
« Je ne sais s’il y a une ville sur terre où l’on trouve plus de pianistes qu’à Paris. »
« Je ne sais s’il y a une ville sur terre où l’on trouve plus de pianistes qu’à Paris. »
Quand la patache qui amenait Chopin eut franchi les
barrières de Paris, le jeune musicien grimpa sur le siège à côté du cocher. Il
ne savait où porter les yeux, si sur les monuments ou sur une foule tellement
dense qu’on pouvait croire à une nouvelle révolution. Ce n’était pourtant que
la joie de revivre qui jetait cette multitude dans la rue et forçait les
chevaux à prendre le pas. Le cocher s’y reconnaissait comme pas un parmi les
vêtements symbolique de messieurs les bourgeois et il les désignait à son
voyageur. Chaque parti politique arborait sa livrée. L’Ecole de Médecine et les Jeune
France se distinguaient par la barbe et les cravates. Les Carlistes avaient
des gilets verts, les Républicains des gilets rouges, les Saint-Simoniens des
gilets bleus. Beaucoup s’enorgueillissaient de longues redingotes dites «
à la propriétaire » qui tombaient jusqu’aux talons. On voyait des artistes
costumés en Raphaël, cheveux jusqu’aux épaules et bérets à larges bords.
D’autres adoptaient le moyen âge. Nombre de femmes s’habillaient
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en pages, en mousquetaires, en chasseurs. Et dans cette
fourmilière les camelots brandissaient leurs brochures : « Demandez l’Art de faire des amours et de les
conserver ; demandez les Amours des prêtres ; demandez l’Archevêque de Paris et Mme la duchesse de
Berry ». Frédéric s’en trouva d’abord un peu scandalisé. Puis il fut
out agréablement surpris de voir défiler un groupe de jeunes gens qui
criaient : Vive la Pologne ! « C’est en l’honneur du général
Ramorino, cet Italien qui cherche à délivrer nos frères polonais de la botte
russe », expliqua le cocher. Il fallut s’arrêter pour laisser passer le
populaire. Puis l’on arriva devant les Postes, et Chopin descendit, fit charger
son bagage sur un cabriolet et se rendit au bureau de logement où on lui
indiqua deux chambres au quatrième étage, n° 27 du boulevard Poissonnière.
Il s’y trouve bien parce que ses fenêtres ont un balcon d’où
il peut voir en enfilade les boulevards. La longue perspective d’arbres
emprisonnés entre deux rangées de maisons l’étonne. « C’est là en bas,
songe-t-il, que s’écrit l’histoire de France. » A peu de distance, dans la
rue d’Enfer, M. de Chateaubriand rédige ses Mémoires et écrit lui aussi :
« Que d’événements ont passé devant ma porte !... Mais après le
procès de Louis XVI et les insurrections révolutionnaires, tout est petit en
fait de jugement et d’insurrection. » Et dans le même temps, une de ces
jeunes femmes habillées en bourgeois compose dans sa mansarde des romans
qu’elle signe du nom de George Sand et s’exclame : « Vivre, que c’est
doux ! Que c’est bon, malgré les chagrins, les maris, l’ennui,
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les dettes, les parents, les cancans, malgré les poignantes
douleurs et les fastidieuses tracasseries ! Vivre, c’est enivrant !
Aimer, être aimé ! C’est le bonheur, c’est le Ciel ! »
Dès le lendemain de son arrivée, Frédéric se plonge dans la
foule et s’enivre de solitude. Elle est plus totale ici qu’au fond des forêts
d’Allemagne et l’artiste en éprouve tout ensemble les excitations et la
crainte. Il se laisse aller au flot lorsque subitement celui-ci s’épaissit,
s’organise, et Chopin se trouve emporté par une colonne compacte qui défile drapeau
en tête pour acclamer Ramorino. Alors la peur le saisit vraiment, il se dégage,
revient chez lui par des rues détournées, grimpe jusqu'à son balcon et assiste
de haut à cette tempête d’enthousiasme. Les magasins se ferment, un escadron de
hussards arrive au galop et balaye la populace qui siffle et conspue les
soldats. Jusqu'au milieu de la nuit c’est un vacarme qui sent l’émeute. Et
Chopin d’écrire à Titus : « Je ne puis te dire l’impression
désagréable que m’ont produite les voix horribles de cette cohue
mécontente. » Décidément il n’aime pas le bruit, ni la foule ; la
politique n’est pas son fait.
Musique, musique, seule évasion possible puisque seul
méthode de penser par les sentiments. […] »
A venir
Notes
Commentaires
Création : 28 décembre 2015
Mise à jour :
Révision : 30 juin 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 231 Guy de Pourtalès 2 : la lettre de Chopin à Titus Woyciechowski
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2015/12/guy-de-pourtales-2-la-lettre-titus.html
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