Quelques informations sur le livre Réfugiés et sans-papiers (1999) ; analyse des passages
relatifs à la Pologne au XIXème siècle
Classement : histoire de la Pologne ; réfugiés polonais en France
Ceci est un complément à la page A propos du livre de Gérard Noiriel, Réfugiés et sans-papiers (du blog Territoires), dans laquelle je donne des informations générales sur cet ouvrage.
Référence
*Gérard Noiriel, Réfugiés
et sans-papiers La République face au droit d’asile XIX°-XX° siècle, Paris,
Hachette, coll. « Hachette Littératures Pluriel », 1999 (ISBN
2-01-278914-5)
*Première édition : La
Tyrannie du national, Paris, Calmann-Lévy, 1991 (ISBN 2-7021-1980-8)
J’étudie ici les passages consacrés à la Pologne au
XIXème siècle, qui se trouvent dans la première partie, « Sans droit ni
loi » (pages 32-80) et au début de la seconde, « La construction
sociale des identités nationales » (pages 83-99).
D’autres sujets sont abordés dans cet ouvrage,
notamment la politique française vis-à-vis des réfugiés, principalement sous la
monarchie de Juillet, et les lois sur la nationalité, notamment la loi de 1889.
En ce qui concerne la Pologne et les Polonais, on trouve
dans ce livre des éléments d’information intéressants, mais aussi des énoncés montrant que l’auteur ne domine pas vraiment l’histoire polonaise du XIXème
siècle, commettant ainsi plusieurs erreurs ou approximations.
Rappel historique
Voir les pages La Pologne de 1787 à 1831 et Daniel Beauvois : L'insurrection de 1830-1831 (et pages liées)
Succinctement : l’insurrection polonaise déclenchée le
29 novembre 1830 prend fin lors de la reprise de Varsovie par l’armée russe en
septembre 1831 ; l’exil des insurgés commence dès le mois d’août, mais il
concerne alors la Prusse et l’Autriche ; ce n’est qu’en novembre que des
réfugiés parviennent en France où les arrivées massives ont lieu seulement au
début de 1832 (cf. Slawomir Kalembka, « Les débuts de la Grande Emigration polonaise et ses implications internationales »,
dans le livre de Daniel Beauvois, page 88)
En France, des comités polonais sont créés en grand nombre
dès la fin 1830 dans le but de soutenir l’insurrection et de faire pression
dans ce sens sur le gouvernement français ; ils se transforment en comités de
secours à partir de la fin de l’insurrection.
Citations et notes
La pagination est celle de l’édition 1999.
AP : Archives parlementaires
/// : indique un changement de page
Passages informatifs
Page 38 : le
nombre des réfugiés en France dans les années 1830
« Face à cet afflux [des
réfugiés polonais de 1831] (1), pour la première fois, un régime parlementaire
est mis dans l’obligation d’affronter le problème des réfugiés non pas de façon
« fantasmatique » comme en 1793, mais de façon réaliste.
(1) « D’après les rapports
parlementaires, le nombre des réfugiés subventionnés est évalué à 5 500 en
1831 (2867 Espagnols, 1524 Italiens, 964 Portugais, 21 Polonais* et 1 Prussien)
et 6 800 en 1837 (dont 5 282 Polonais, 870 Espagnols, 568 Italiens,
14 Allemands). AP tome 70, 30 septembre 1831, page 243 et tome 120, 1er
juin 1838, page 689. »
Notes
*21 Polonais : ce chiffre se réfère à une période de
l’année antérieure à la fin de l’insurrection polonaise ; il s’agit sans
doute de réfugiés d’avant l’insurrection, partis dans les années 1825-1830, au
début du règne de Nicolas 1er, caractérisé par une répression renforcée, mais qui reste limitée à un petit nombre de militants. Les
« 5 282 » Polonais de l’année suivantes correspondent à la
« Grande Emigration », notamment d’officiers et de soldats de l’armée
polonaise insurgée.
Page 46 : l’assistance
gouvernementale aux réfugiés polonais de 1831
« L’afflux massif des
réfugiés conduit le gouvernement à demander à la Chambre le vote d’un crédit
d’un million de francs, somme absorbée par des allocations d’urgence avant même
d’avoir été votée et qui doit être régulièrement reconduite les années
suivantes, à tel point qu’on estime en 1837 que la France a consenti, en six
ans, une aide destinée aux réfugiés d’un montant supérieur à vingt millions de
francs (2 : AP tome 70, page 341, 30 septembre 1831, et tome 111, page
377, 18 mars 1837) »
Remarques
Le vote d’un crédit d’un million daterait du 30
septembre 1831, si on comprend bien la note de l'auteur.
A cette date, ce n’est pas « l’afflux des réfugiés » qui est en cause, mais l’anticipation de l’arrivée de réfugiés, puisque le gouvernement français s’était engagé à accueillir ceux qui se présenteraient aux frontières. L'énoncé est donc très approximatif.
A cette date, ce n’est pas « l’afflux des réfugiés » qui est en cause, mais l’anticipation de l’arrivée de réfugiés, puisque le gouvernement français s’était engagé à accueillir ceux qui se présenteraient aux frontières. L'énoncé est donc très approximatif.
Page 63-64 :
l’assistance privée aux réfugiés polonais de 1831
« L’arrivée des réfugiés polonais
[…] suscite la mise en place d’une multitude d’associations et de comités […]
qui sont chargés à la fois /// de les accueillir, de les secourir, mais bien
souvent aussi de manifester politiquement la solidarité de la population pour
la cause des proscrits. L’engouement pour la Pologne dépasse alors largement le
cercle des militants de gauche. En juin 1833, le préfet de Haute-Vienne demande
au ministre de ne plus diriger de réfugiés polonais à Limoges, car « ce
nom seul suffit pour exalter notre population ainsi qu’il est arrivé au passage
de cette ville des réfugiés allant de Bordeaux à Bourges en août 1832 ».
C’est dans cette période que Béranger compose La Varsovienne et Horace Vernet un tableau qui selon de Tracy
« se trouve dans toues les chaumières, dans les plus humbles demeures de
nos provinces les plus reculées » (1 : AP tome 127, 14 juin 1838,
page 513). En 1831*, les comités franco-polonais sont fédérés par un comité
central présidé par Lafayette lui-même. Dans bien des communes, ce sont les
maires qui organisent la charité publique. Les réfugiés sont accueillis
gratuitement ou à prix réduit dans les hôpitaux et les hospices. L’Eglise joue
un rôle essentiel dans ce dispositif […]. Mais les groupements les plus divers
participent à l’effort commun : les sociétés de secours ouvrières, la
Garde nationale, etc. Chaque groupe de réfugiés dispose également de ses
propres institutions de bienfaisance dirigées par les plus fortunés d’entre eux
[…] »
Note
*1831 : la mise en place du « comité La Fayette »
date de janvier 1831 ; une recherche sur Internet n’aboutit
pas à des résultats très précis, pas plus que les ouvrages consacrés au sujet
(y compris celui de Daniel Beauvois) ; noter que les comités créés fin
1830-début 1831 ne sont pas des comités d’assistance aux réfugiés, mais de
soutien à l’insurrection
Remarques
On notera l'approximation chronologique (1833, puis retour à 1831) et l'énumération un peu oiseuse des dernières lignes.
Remarques
On notera l'approximation chronologique (1833, puis retour à 1831) et l'énumération un peu oiseuse des dernières lignes.
Pages 66-68 : la
situation professionnelle des réfugiés polonais au cours des années 1830
« Les rares ouvrages qui
évoquent la présence des étrangers sous la monarchie de Juillet fournissent
d’autres preuves de [leur] intégration. « Nos séminaires et nos lycées,
note L. Desnoyers*, regorgent de professeurs et de répétiteurs polonais. A nos
hôpitaux, à nos bibliothèques, à l’Athénée, aux cours des Arts et Métiers, les
Polonais professent (4 : L. Desnoyers, Les
Etrangers à Paris, Charles Warrée, 1844 ; ce constat ne s’accompagne
d’aucune agressivité à l’encontre des étrangers).
[…///…] [En 1834] sur 6 130
réfugiés secourus, plus de 4 000
sont occupés « dans toutes les branches des arts, sciences, commerce et
industrie ». Un peu plus tard, un autre rapport affirme : « […]
Deux cent trente-cinq Polonais suivent les cours de nos facultés de droit et de
médecine. En jouissant, comme leurs compatriotes, du subside ordinaire, ils reçoivent
en outre, des allocations particulières pour suivre leurs études, acheter des
livres. L’université de son côté fait remise complète de tous les droits
d’examen et d’inscription auxquels sont soumis les régnicoles. » […] il
ajoute : « Soixante-deux Polonais sont employés à l’administration
centrale ou dans les grands travaux publics exercés par le gouvernement »
(2 : AP tome 87, 4 mars 1834 page 107 ; tome 111, 18 mars 1837 page 377
et tome 120, /// 1er juin 1838 page 689) ; […] parmi les
professions exercées par les réfugiés polonais en 1839, on trouve sur mille cas
répertoriés environ 270 étudiants en médecine, 500 employés aux écritures, une
cinquantaine de médecins, une centaine d’enseignants, 135 élèves des grandes
écoles ; cf. T. Piotrowsky*, op. cit.* »
Notes
*L. Desnoyers : Louis Desnoyers (1802-1868), journaliste et écrivain
*T. Piotrowsky : Thaddée Piotrowski (1923-2007), écrivain. Voir la page A propos d'un article de Thaddée Piotrowski sur les réfugiés polonais (1947)
Notes
*L. Desnoyers : Louis Desnoyers (1802-1868), journaliste et écrivain
*T. Piotrowsky : Thaddée Piotrowski (1923-2007), écrivain. Voir la page A propos d'un article de Thaddée Piotrowski sur les réfugiés polonais (1947)
*op. cit. : Louis Chevalier (éd.), « Documents sur l’immigration », Travaux et documents n° 2 (INED), PUF, 1947
A suivre
D'autres aspects de l'ouvrage, plus éloignés de Chopin, sont étudiés dans le blog
Territoires :
*Gérard Noiriel et la loi de 1889 : origines de la loi
*Gérard Noiriel et la loi de 1889 : le contenu de la loi
Création : 30 mars 2015
Mise à jour : 16 avril 2015
Révision : 10 juillet 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 185 Gérard Noiriel et la Pologne 1 : les réfugiés polonais
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2015/03/gerard-noiriel-et-la-pologne.html
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