Quelques informations sur la lettre de Ferdinand Paër à M.
Sotte pour un permis de séjour à Paris
Classement : biographie
de Frédéric Chopin ; période française
Ceci est un complément de la page Sur
un permis de séjour de Chopin en 1831 et sur le comte Rambuteau dans
laquelle je cite un passage de Marie-Paule Rambeau (Chopin L’enchanteur autoritaire) signalant la lettre en faveur de
Chopin adressée par le musicien Ferdinand Paër à un fonctionnaire du bureau des
passeports, M. Sotte.
Cette lettre se trouve dans l’ouvrage suivant :
Référence
*Correspondance de
Frédéric Chopin L’ascension 1831-1840, édition de Bronislas Edouard Sydow,
Paris, Richard-Masse éditeurs, 1954.
Le texte se trouve pages 18 et 19 du tome II et porte
le numéro 92 (« Ferdinand Paër à C.P. [?] Sotte, à Paris »)
Une note indique que « l’original de cette lettre fait
partie des collections de l’Institut Frédéric-Chopin, à Varsovie ».
Texte
Je reproduis telle quelle l’édition de B. Sydow.
« M. Sotte, Addt. du B-au des passeports*
Monsieur,
Mr. Chopin pianiste venant de Vienne désire que je vous le
recommande. Comme ce jeune homme m’a été fortement recommandé par plusieures
[sic] personnes de Vienne (en Autriche), nottament [sic] Mr. Malfatti (8),
médecin de l’Empereur, j’adhère volontiers [sic] à ses désirs, et je vous prie
de le protéger. Il est polonais, parti au moment de la révolution de Varsovie, il
demeurait à Vienne aimé et estimé par la presse [et la] Société. Il est rempli
de moyens et a
[8. Jean Malfatti, docteur en médecine d’origine italienne
fixé à Vienne. Il était attaché à la Cour impériale et fut le dernier médecin
de Beethoven]
Page 19
reçu une excellent éducation, ainsi il mérite votre
protection : Il y a des années que je n’ai plus le plaisir de vous
rencontrer : c’est bien naturel, vous êtes occupé d’un côté et moi de
l’autre ; néanmoins je vous estime et vous aime : Je désire des occasions
pour vous le prouver. En attendant recevez ici l’expression de mes sentiments
d’attachement et d’Estime avec la quelle [sic] j’ai l’honneur d’être :
Monsieur
Votre
très dévoué Serviteur
et
ami
Paris, ce premier Décembre 1831 Paër
Direct.
des Concerts du Roi
[En haut de la page : note de la main de Sotte]
Reg – re 92
– 2964
M. Chopin est né à Varsovie de père français. Il demande à
être autorisé à rester à Paris pour y exercer son art. Il m’est recommandé par
M. Paër, directeur de la musique du Roi. J’ai l’her de prier
monsieur le Préfet* de vouloir bien me faire connaître ses intentions
C.
P. Sotte*
[en marge, note du Préfet :]
Accorder le permis avec faculté de retrait.
[Signature illisible.] »
Notes
*Ferdinand Paër (Ferdinando Paër, 1771-1839),
compositeur italien vivant à Paris à partir de 1810 environ.
*Sotte : pas
d’autres informations sur cette personnalité
*Addt. du B-au des
passeports : sans doute « Adjoint du Bureau des
passeports ». Si on se réfère aux Almanachs royaux et nationaux de 1831 et
1832, le service chargé des passeports se trouvait à la Préfecture de police,
précisément au sein du 2ème Bureau de la 1ère Division, bureau dont le chef en 1831 était M. Portes. Sotte était donc soit l’adjoint de
Portes, soit le responsable chargé du service des passeports (qui n’est pas
formalisé dans l’Almanach).
*M. le Préfet :
le 1er décembre 1831, le Préfet de Police de Paris était Henri Gisquet
(1792-1866), qui occupe ce poste du 15 octobre 1831 jusqu’en 1836.
*C. P. Sotte :
les initiales C. P. pourraient signifier « Conseiller principal » (???)
Remarques sur la version de Marie-Paule Rambeau
Page 250, elle écrit :
« Ferdinand Paër […] qui venait de prendre la
direction de la musique de chambre du Roi […] lui facilita d’abord l’obtention
d’un permis de séjour de la Préfecture de la Seine, en précisant qu’il avait
quitté la Pologne avant l’Insurrection. Les Polonais étaient en effet
étroitement surveillés par la police. Leur afflux, depuis la prise de Varsovie,
posait de tels problèmes aux autorités françaises qu’en avril 1832, le premier
ministre, Casimir Périer, interdit l’installation à Paris et dans les
départements limitrophes des émigrés civils et militaires, assignés à résidence
dans des régions qui leur étaient désignées. Il n’était donc pas inutile que
Chopin fût enregistré comme "né de père français et autorisé à rester à
Paris pour y exercer son art (106)". »
La note 106 renvoie à l’ouvrage de B. Sydow.
Si on compare avec l’original, on remarque que la paraphrase
n’est pas tout à fait exacte :
1) Paër ne dit pas que Chopin a « quitté la Pologne
avant l’Insurrection », mais qu’il est « parti au moment de la
révolution de Varsovie ». En fait, la phrase de Paër est ambiguë ; on
ne sait pas s’il veut faire croire que Chopin était opposé à l’insurrection ou
au contraire, qu’il est lui aussi un réfugié de cette insurrection.
2) Chopin n’a pas été « enregistré comme "né de
père français" ». La mention du « père français » est un
élément de recommandation, rien ne prouve qu’elle ait été inscrite ailleurs.
Ce n’est pas très important, mais ce genre de
distorsion ne fait rien avancer du tout.
Le problème le plus important est l’erreur temporelle que
commet Marie-Paule Rambeau : elle projette rétroactivement sur la période
de l’arrivée de Chopin à Paris des faits postérieurs, quoique proches ; à
l’époque de cette lettre, les premiers réfugiés, encore des personnalités, ne
sont apparus qu’à la fin octobre (notamment Joachim Lelewel) , il n’y a pas
encore d’afflux massif (les soldats et officiers de l'armée polonaise sont alors retenus dans des camps
en Prusse et en Autriche).
De même, la phrase « Les Polonais étaient […]
étroitement surveillés par la police » est peu pertinente pour cette
période.
On notera aussi l'erreur sur la localisation administrative du service
chargé des passeports.
Création : 19 novembre 2015
Mise à jour : 29 novembre 2015
Révision : 30 juin 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 224 La lettre de recommandation de Ferdinand Paër en faveur de Chopin (1er décembre 1831)
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2015/11/lettre-de-recommandation-de-paer-en.html
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