Quelques informations sur la famille Wolowski :
les descendants d’Elisha Shor, selon un livre de Pawel Maciejko
Classement
: histoire ; Pologne ; juifs polonais ; juifs convertis
Première
partie : Aperçus historiques (Pologne et relations
franco-polonaises)
Deuxième
partie : Frédéric Chopin, questions biographiques
Troisième
partie : La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :
Ceci est
une suite des pages
Après
cette présentation, je donne ci-dessous les citations
relatives à la famille Wolowski puis une analyse.
Sommaire de la page
Introduction :
la famille Wolowski
Référence
de l’ouvrage de Pawel Maciejko
Extraits concernant
la famille Wolowski
Analyse
La
famille Wolowski
Cette famille polonaise est en partie devenue française à l’occasion de la Grande Emigration, à laquelle ont participé François Wolowski (1776-1844), juriste, et son fils Louis (1810-1876), naturalisé français en 1834. Un autre membre illustre de cette famille est la musicienne Marie Szymanowska née Wolowska (1789-1831).
Il s’agit d’une famille anciennement juive de la ville de Rohatyn, issue d’Elisha Shor (mort en 1757), dont les enfants se sont convertis au christianisme au milieu du XVIIIème siècle dans le cadre d'un mouvement religieux messianique créé par Jacob Frank (1726-1791).
Ce mouvement est évoqué plus en détail sur la page La famille Wolowski 2 : selon Pawel Maciejko (présentation de l’ouvrage).
Le livre
de Pawel Maciejko
Référence
*Pawel
Maciejko, The Mixed
Multitude: Jacob Frank and the Frankist Movement, 1755-1816, University of
Pennsylvania Press, 2011
Extraits
concernant la famille Shor/Wolowski
Page 18
« After
a short stay in Lwów, Frank came to Rohatyn, where he established contacts with
the Shorrs, probably the most important Sabbatian family in Podolia. The family
descended from Rabbi Zalman Naftali Shorr, whose book Tevu’at Shorr was held in high esteem among rabbinic scholars (106 : Tchernowitz, Toledot ha-poskim, 3:258-260)
and the Shorrs enjoyed a high status among all Jews. Elisha Shorr, the doyen of
the family, was known as a principal leader of the Sabbatian movement in the
region; his daughter Hayah was considered a prophetess (107 : Rachel Elior, Ha-halom ve-shivro, I:163-166).Through marriages,
the Shorrs were tied to Sabbatians in all the major towns of the province
(108 : Balaban, Le-toledot ha-tenu'ah ha-Frankit, I:122). Il Frank managed to win them over, his success in Podolia would be
assured. Indeed, before long, Elisha’s three sons, Solomon, Nathan, and Leyb,
accepted Frank as their leader. As Frank’s following was growing, Yehudah Leyb
Krysa also joined his group. »
Traduction
« Après
un court séjour à Lwow, Frank vint à Rohatyn, où il entra en contact avec les
Shor, sans doute la plus importante famille sabbatéenne de Podolie*. Cette
famille descendait du rabbin Zalman Naftali Shor, dont le livre Tevu’at Shor était tenu en haute estime
parmi les rabbins lettrés, et les Shor jouissaient de la considération de tous
les Juifs. Elisha Shor, le doyen de la famille, était connu pour être un leader
de premier plan du mouvement sabbatéen dans la région ; sa fille Hayah
était considérée comme une prophétesse. Grâce à des mariages, les Shor étaient
liés aux Sabbatéens de toutes les grandes villes de la province. Si Frank
parvenait à prendre l’ascendant sur eux, son succès en Podolie serait assuré.
Effectivement, avant longtemps, les trois fils d’Elisha, Salomon, Nathan et
Leib, acceptèrent le leadership de Frank. Et comme le groupe lié à Frank
grossissait, Yehudah Leib Krysa* se joignit à lui. »
Notes
*Podolie :
*le
livre Tevu’at Shor :
*Yehudah Leib Krysa : « after the
baptism : Dominik Antoni Krysin’ski »
(page 157) ; assez rapidement, il coupe les liens avec le mouvement
frankiste ; son fils Louis épouse une catholique sans lien avec le
judaïsme.
Page 72
« As
the consistory rejected the written rabbinic response to the first manifesto of
the Contra-Talmudists, Bishop Dembowski demanded that the parties choose four
representatives each and argue their respective positions in a public
disputation. The representatives of the Contra-Talmudists were Leyb Krysa,
Hayyim Moszkowicz, Leyb Rabinowicz, and Solomon Shorr ; […] ; the
debate took place in the Kamieniec cathedral from 20 to 28 June 1757 (44). »
Traduction
« Comme
le consistoire* avait rejeté la réponse écrite des rabbins au premier manifeste
des Anti-Talmudistes*, l’évêque Dembowski demanda aux parties de choisir
chacune quatre représentants pour défendre leurs positions respectives dans une
dispute publique. Les représentants des Anti-Talmudistes furent Leib Krysa,
Hayyim Moszkowicz, Leib Rabinowicz et Salomon Shor ; le débat eut lieu
dans la cathédrale de Kamenets du 20 au 28 juin 1757. »
Notes
*consistoire : désigne ici un organisme de l'évêché catholique (=? chapitre)
*Anti-Talmudistes : à ce stade, les partisans de Jacob Frank se présentent comme des Juifs, mais opposés au courant majoritaire (les rabbins talmudistes) ; ils revendiquent la reconnaissance par les autorités de leur mouvement comme une nouvelle confession juive (comme l'étaient les Karaites en Pologne)
*l’évêque Dembowski : Nicolas Dembowski (Mikołaj Dembowski, 1680-1757), évêque catholique de Kamenets (Kamenets-Podolsk, actuellement en Ukraine) ; il soutient les Frankistes qui sortent vainqueurs de la dispute, mais sa mort peu de temps après la dispute permet aux Juifs talmudistes de rétablir la situation et place au contraire les Frankistes en très mauvaise posture, ce qui les pousse assez rapidement à demander le baptême
*Anti-Talmudistes : à ce stade, les partisans de Jacob Frank se présentent comme des Juifs, mais opposés au courant majoritaire (les rabbins talmudistes) ; ils revendiquent la reconnaissance par les autorités de leur mouvement comme une nouvelle confession juive (comme l'étaient les Karaites en Pologne)
*l’évêque Dembowski : Nicolas Dembowski (Mikołaj Dembowski, 1680-1757), évêque catholique de Kamenets (Kamenets-Podolsk, actuellement en Ukraine) ; il soutient les Frankistes qui sortent vainqueurs de la dispute, mais sa mort peu de temps après la dispute permet aux Juifs talmudistes de rétablir la situation et place au contraire les Frankistes en très mauvaise posture, ce qui les pousse assez rapidement à demander le baptême
Page 107
« The
supplication [Supplication of the Jews accepting the holy Catholic faith and requesting holy baptism] sent to Lubienski [le 20 février 1759] was the first Frankist document to express the
idea that might convert to Christianity explicitly. The signatories,
Yehudah Leyb Krysa and Solomon Shorr of Rohatyn, claimed to speak in the name
of « the Jews of Poland, Hungary, Turkey, Moldavia, Wallachia, and so
on », who secretly professed the creed that had been put forward by the Contra-Talmudists
during the Kamieniec disputation of 1757. »
Traduction
« La
supplique [Supplique des Juifs acceptant la sainte foi catholique et solliciatant le saint baptême] envoyée à Lubienski* [20 février 1759] fut le premier texte des Frankistes à exprimer l’idée
qu’ils pouvaient formellement se convertir au christianisme. Les signataires,
Yehudah Leib Krysa et Salomon Shor de Rohatyn, proclamaient qu’ils parlaient au
nom « des Juifs de Pologne, Hongrie, Turquie, Moldavie, Valachie,
etc. » professant en secret la croyance mise en avant par les
Anti-Talmudistes pendant la dispute de Kamenets en 1757. »
Notes
*Lubienski : Ladislas Alexandre Lubienski (1703-1767), archevêque de Gniezno, primat de Pologne
Page 127
« It
is difficult to assess the exact number of those who converted. On the basis of
the records of parish churches where the conversions took place, Kraushar
listed 514 Contra-Talmudists who converted in Lwów (4), twenty in Kamieniec (5)
and fourteen in Warsaw (6). It is clear, however, that Kraushar’s inventory is
incomplete. Some of the leading Frankists – including the future authors of the
Red Letters, the brothers Nathan and Solomon Shorr (known after baptism as
Michal and Franciszek Wolowscy) and Yerucham ben Lippman of Czarnokozienice
(Je’drzej De’bowski) – were not listed. »
Traduction
« Il
est difficile d’établir le nombre exact de ceux qui se convertirent. Sur la
base des actes des églises paroissiales où les conversions eurent lieu,
Kraushar* a listé 514 Contre-Talmudistes convertis à Lwow, vingt à Kamenets et
quatorze à Varsovie. Mais il est clair que l’inventaire de Kraushar est
incomplet. Certains des principaux Frankistes – y compris les futurs auteurs
des Lettres rouges, les frères Nathan
et Salomon Shor (connus après leur baptême comme Michel et François Wolowski)
et Yeruham ben Lippman de Czarnokozienice* (Jendrzej
Dembowski) ne
figuraient pas sur la liste. »
Notes
*Kraushar : Alexandre Kraushar
(1843-1931), avocat et écrivain, auteur d’un ouvrage sur l’histoire du
Frankisme (Frank i Frankisc’i Polscy, Cracovie, 1895, lien)
*Czarnokozienice : actuelle
Tchornokozyntsi (Ukraine) (lien)
Page 145
« There is a supplication to Lubienski signed by Solomon Shorr and Yehudah Leyb Krysa and dated 16 May 1759. »
Traduction
« Il y a une supplique adressée à Lubienski, signée par Salomon Shor et Yehudah Leib Krysa, datée du 16 mai 1759*. »
Note
*supplique du 16 mai 1759 : elle demandait l'organisation d'une nouvelle dispute sur des points de doctrine, ainsi que sur la question des crimes rituels, dont les Frankistes prétendaient prouver qu'ils étaient ordonnés par le Talmud. Le débat aura lieu en septembre-octobre 1759.
Traduction
« Il y a une supplique adressée à Lubienski, signée par Salomon Shor et Yehudah Leib Krysa, datée du 16 mai 1759*. »
Note
*supplique du 16 mai 1759 : elle demandait l'organisation d'une nouvelle dispute sur des points de doctrine, ainsi que sur la question des crimes rituels, dont les Frankistes prétendaient prouver qu'ils étaient ordonnés par le Talmud. Le débat aura lieu en septembre-octobre 1759.
Page 239
« At
the very end of the century, the Frankist leadership in Offenbach dispatched
circular epistles to Eastern and Central European Jewish communities. Some were
written in red ink; on this basis, Peter Beer, the first scholar to analyse the
dispatches, coined their name, under which they became known also in later
scholarship (42). The first copies reportedly started to circulate around 1798
(43), but most of the letters can be dated to January 1800. The epistles
included […] another lengthy message signed by three « elders » of
the Offenbach court: Franciszek Wol’owski (Solomon ben Elisha Shorr), Michal’ Wol’owski
(Nathan ben Elisha Shorr), and Je’drzej De’bowski (Yeruham ben Hananiah Lippman
of Czarnokozienice). »
Traduction
« A
l’extrême fin du siècle, la direction frankiste d’Offenbach envoya aux communautés
juives d’Europe centrale et orientale des lettres circulaires. Certaines
étaient écrites à l’encre rouge ; Peter Beer*, le premier chercheur qui
ait étudié ces dépêches, leur donna pour cette raison le nom [Lettres rouges]
sous lequel elles furent connues par ses successeurs. Les premiers exemplaires
commencèrent à circuler vers 1798, mais la plupart de ces lettres peuvent être
datées de janvier 1800. Les épîtres comportaient [divers écrits] ainsi qu’un
long message signé par trois « aînés » de la cour d’Offenbach :
François Wolowski (Salomon ben Elisha Shorr), Michel Wolowski (Nathan ben Elisha Shor) et
Jendrzej Dembowski (Yeruham ben Hananiah Lippman de Czarnokozienice). »
Notes
*Peter Beer : auteur d’un ouvrage
(en allemand) : Histoire, doctrine et opinion de toutes les sectes
religieuses passées et présentes des Juifs, Brno, 1822-1823
Analyse
1) Les
fils d’Elisha
Ces
extraits indiquent qu’Elisha Shor a eu trois fils :
*Salomon
par la suite François Wolowski
*Nathan
par la suite Michel Wolowski
*Leib
par la suite Joseph Wolowski.
On
remarque toutefois que Leib n’est plus évoqué par la suite (bien que l’index
renvoie à son sujet à la page 127, mais seuls Salomon et Nathan y sont
cités).
En ce
qui concerne les noms cités par les sites Internet étudiés dans les pages précédentes, on pourrait penser
que :
*le
« Jehudah » (qui serait devenu Jean Wolowski) du site Wirtualny Sztetl pourrait venir d’une
confusion avec Yehudah Leib Krysa (par la suite Dominique Krasinski)
*le
« Lipman » du site Jewish Virtual Library pourrait venir de Yeruham ben Lippman de
Czarnokozienice (par la suite Jendrzej Dembowski).
Quant au
« Icchak (Henryk) » du site Wirtualny Sztetl, le problème est entier.
2) « François
Eliasz Wolowski » : une ou deux personnes ?
On doit maintenant poser le problème du dédoublement, envisagé
par ces deux sites) entre « Salomon/François Elias » et son fils
« François Elias », tandis que pour Maciejko, il n'y a qu'un seul porteur du nom « Salomon/François ». Si on tient compte de la généalogie de Marie
Szymanowska (page L’ascendance de Marie Szymanowska), on aurait donc deux possibilités :
a)
Elisha (né vers 1680-1757) > Salomon/François Elias (né vers 1705) >
François Elias (1732-1813) > François Xavier (1758-1839) > Marie (épouse
Szymanowska) 1789-1831
b)
Elisha (né vers 1705-1757) > Salomon/François (1732-1813) > François
Xavier (1758-1839) > Marie (épouse Szymanowska) 1789-1831.
Or, selon Pawel Maciejko, Salomon/François et Nathan/Michel Wolowski, fils d’Elisha
Shor, vivent encore à la fin du XVIIIème siècle (à
Offenbach). C’est cohérent si François est né en 1732 ; une naissance vers 1705 est moins vraisemblable. De même, il paraîtrait
curieux que ces deux hommes se soient convertis vers l’âge de 55 ans tout en
étant perçus comme « fils d’Elisha », c’est plus compréhensible s’ils
n’avaient que 25 ans environ.
Par
ailleurs, « François Elias » (fils de Salomon) est donné par le site Wirtualny Sztetl comme
ayant été secrétaire de Stanislas Auguste Poniatowski, roi de Pologne de 1764 à
1795, information non attestée de façon catégorique, cependant (sur Internet,
ce site est le seul qui en fasse état). Il ne serait pas impossible qu’il
s’agisse en fait de Salomon lui-même, puisqu’on ne sait pas ce qu’a fait celui-ci entre
sa conversion et sa venue à Offenbach, mais il serait tout de même curieux qu'il ait eu un tel emploi (il semble que les Frankistes des origines ne maîtrisaient pas la langue polonaise, surtout à l'écrit ; les traductions en polonais étaient faites par un Polonais proche du mouvement).
A
suivre
*La famille Wolowski 3 : l’ascendance de Marie Szymanowska
Création :
16 mai 2017
Mise à
jour : 19 mai 2017 (traduction, notes)
Révision : 4 juillet 2017
Auteur :
Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page :
298
La famille Wolowski 2 : selon Pawel Maciejko (citations et analyse)
Lien :
http://surfredericchopin.blogspot.fr/2017/05/pawel-maciejko-citations.html
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