Classement :
biographies ; Frédéric Chopin
Bibliographie
Table des Matières : vue d’ensemble
Première partie :Aperçus historiques (Pologne et relations franco-polonaises)
Deuxième partie :Frédéric Chopin, questions biographiques
Troisième partie :La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :
Le statut de Frédéric Chopin quant à la nationalité
Le statut de Nicolas Chopin quant à la nationalité
Index des personnes citées dans le blog
Ceci est une suite de la page Adam
Zamoyski biographe de Chopin (1979) dans laquelle je présente l’auteur et son livre.
J’étudie
ci-dessous des passages concernant la biographie de Frédéric Chopin.
A ce sujet, voir la page Table
: Sur Frédéric Chopin, questions biographiques.
Référence
*Adam
Zamoyski, Chopin, Librairie Académique Perrin, 1986
Texte
Chapitre
1 Enfance
Pages 9-10
« […]
Chopin était de nature secrète et ne laissa ni femme ni enfant qui auraient pu
nous renseigner sur sa vie intime.
La
plus grande partie de ses écrits fut détruite ou dispersée par plusieurs
guerres et à la suite d’une vendetta personnelle. Aussi les biographes
n’eurent-ils à leur disposition, […], qu’un ramassis de faits épars, de
réminiscences et d’anecdotes. Il n’est pas surprenant que la spéculation et,
dans certains cas, la plus pure fantaisie aient servi à combler les
lacunes ; ce qui est particulièrement évident dans les divers récits
concernant ses origines et sa naissance où le nationalisme se porte à la rescousse
de l’ignorance. Polonais, Français,
Allemands et même la minorité juive de Pologne se le disputaient comme le fruit
de leurs cultures respectives*.
Ce
ne fut que près d’un siècle après la mort du compositeur qu’un homme eut l’idée de consulter les registres
paroissiaux* ; ce fut pour découvrir que Nicolas Chopin n’était autre que le fils d’un paysan
français relativement aisé. »
Notes
*Polonais, Français, Allemands et même la
minorité juive de Pologne se le disputaient comme le fruit de leurs cultures respectives :
pas de renseignements concernant une revendication allemande ou juive sur
Frédéric Chopin
*un homme eut l’idée de consulter les
registres paroissiaux : en fait, la découverte du dossier
professionnel de Nicolas Chopin (lien)
en 1925 permet de préciser son lieu de naissance, qui est ensuite confirmé par
la consultation des registres paroissiaux (lien)
Page
18
[…]
En
1817, la première œuvre imprimée de Frédéric Chopin fut publiée. Cette édition
[…] est due à un ami de la famille, le chanoine Cybulski* de l’église
Sainte-Marthe. Elle est intitulée « Polonaise en sol mineur, dédiée à Son
Excellence la Comtesse Victoire Skarbek*,
composée par Frédéric Chopin, un
musicien de huit ans ». Il est probable que le comte Frédéric Skarbek, son parrain*, rentré à Varsovie pour prendre un poste
à l’Université, après avoir terminé ses études à l’étranger*, ait contribué
à payer cette publication, ce qui expliquerait la dédicace à sa sœur. Skarbek
écrivit un long article sur Chopin, publié en janvier 1818 dans le Quotidien de Varsovie, où il taxait le
jeune compositeur de « véritable génie musical qui non seulement joue le
œuvres pour piano les plus difficiles avec une grande aisance et un goût
parfait, mais est aussi l’auteur de plusieurs danses et variations qui ne
cessent de stupéfier les connaisseurs ». Chopin était déjà célèbre dans les
milieux académiques que fréquentait sa famille, dès 1816, mais le retour à
Varsovie du comte Skarbek, avide de le rendre célèbre, le propulsa sur une plus
vaste scène. Cette démarche ne relevait pas d’un protectionnisme un peu
hautain. La noblesse, ayant été nivelée
à la suite d’une succession de désastres nationaux, et la Pologne n’ayant
jamais connu de bourgeoisie, tout cela faisait qu’un jeune homme, dont le père
était français et la mère de noblesse polonaise, ne rencontrait pas de
barrières sociales. La naissance, l’éducation, l’argent, certes, jouaient
toujours un rôle important, mais en regard du nationalisme accompagné de
libéralisme qui, durant cette période, imprégnait la société polonaise, ces
considérations comptaient beaucoup moins qu’en France ou qu’en Angleterre*.
Peu nombreuse, cette société était très solidaire, et il n’est pas étonnant
que, dès ses premières apparitions publiques, Chopin ait été connu de tout
Varsovie. L’on peut à peu près, circonscrire le genre de milieu dans lequel il
évoluait. La première mention notable de ses apparitions hors du cercle
familial figure dans l’agenda d’une jeune femme invitée à une soirée chez la
comtesse
Notes
*chanoine
Cybulski : ???
*Victoire
Skarbek (Wiktoria,
1791-1828), est la fille d’Eugène Skarbek
(Eugeniusz, 1761-1842), oncle de Frédéric Skarbek ; elle est donc
sa cousine, pas sa soeur ; Victoria et sa soeur Isabelle (Izabela,
ca 1790-ca 1811) sont accueillies à Zelazowa Wola vers 1808, suite à la rupture
entre Eugène et son épouse. Elles sont donc présentes au moment de la naissance
de Chopin.
*Frédéric Skarbek (Fryderyk Skarbek, 1792-1866) voir la page Frédéric
Skarbek
*son
parrain :
pas officiellement (lien)
*rentré
à Varsovie pour prendre un poste à l’Université, après avoir terminé ses études
à l’étranger :
après son baccalauréat, Frédéric Skarbek étudie en France pendant quelques
mois, et rentre dans le duché de Varsovie où il occupe un poste dans
l’administration ; ce n’est que quelques années plus tard qu’il commence à
enseigner à l’université de Varsovie
*La
noblesse, ayant été nivelée à la suite d’une succession de désastres nationaux,
et la Pologne n’ayant jamais connu de bourgeoisie, tout cela faisait qu’un
jeune homme, dont le père était français et la mère de noblesse polonaise, ne
rencontrait pas de barrières sociales. La naissance, l’éducation, l’argent,
certes, jouaient toujours un rôle important, mais en regard du nationalisme
accompagné de libéralisme qui, durant cette période, imprégnait la société
polonaise, ces considérations comptaient beaucoup moins qu’en France ou qu’en Angleterre : notation intéressante,
mais la cause indiquée ne me paraît pas exacte ; le fait essentiel est que
la noblesse polonaise (szlachta)
était très nombreuse (10 % de la population) de sorte que nombre de nobles pas
suffisamment riches exerçaient des professions de second rang, telles que le
professorat
Page
19
Grabowska*,
où « le jeune Chopin joua du piano. Un enfant de huit ans que les
connaisseurs déclarent être le successeur de Mozart ».La comtesse
Grabowska, amie des Skarbek, était l’épouse de l’un des recteurs de
l’Université de Varsovie qui devait devenir plus tard directeur de la
Commission gouvernementale de l’Education*.
Ce
dernier appartenait à l’une des familles qui formaient le parti patriotique conservateur, comme les Mostowski, les Krasinski,
les Plater, certaines branches des Potocki, les Zamoyski et, la plus
prestigieuse, les Czartoryski.
Ces
familles étaient conservatrices. Elles admettaient la situation créée par le Congrès de Vienne, en 1815 – un royaume
de Pologne ayant pour roi le tsar de Russie –, et essayaient d’agir dans les
limites de l’autonomie permise. Il est
important de mentionner un tel milieu, car Chopin y fut lié dès son plus jeune
âge et continua de l’être à Paris. Ce n’est pas un hasard si l’un des membres
de la famille Czartoryski* était présent à son lit de mort.
Le
salon le plus animé et le plus brillant de Varsovie était sans conteste celui
du palais Bleu*. Résidence du comte Stanislas
Zamoyski*, il était aussi habité par le prince Adam Czartoryski* dont l’amitié du tsar Alexandre, la
brillante carrière diplomatique et la situation de chef de la famille peut-être
la plus riche et la plus influente du royaume faisaient de lui un personnage clé, une figure de proue de la politique et de
la société polonaises. Le palais Bleu était le lieu de rencontre des grandes
personnalités politique du passé, de ceux qui gouvernaient le royaume, aussi
bien que des jeunes membres de l’aristocratie polonaise.
La
comtesse Zamoyska* et sa sœur, la
princesse Marie de Wurtemberg*, organisaient régulièrement des réceptions et
des thés dansants destinés à inculquer aux enfants entre huit et douze ans les
bonnes manières et les valeurs patriotiques.
Il
semblerait que Chopin eût été un familier de ces réunions.
La
comtesse avait également fondé la Société de bienfaisance de Varsovie*, et elle ne mit pas longtemps à
comprendre le potentiel financier que représentait Chopin. Un habitué du palais
Bleu, Julien Niemcewicz*, poète et Nestor
Notes
*comtesse Grabowska : Cécile
Grabowska née Dembowska (Cecylia
Grabowska z Dembowskich, 1787-1821), première épouse de Stanislas Grabowski
(note suivante)
*l’un des recteurs
de l’Université de Varsovie qui devait devenir plus tard directeur de la
Commission gouvernementale de l’Education : Stanislas Grabowski (Stanisław Grabowski, 1780-1845), président de la Commission de
l’Education nationale du royaume de Pologne de 1820 à 1830
*parti patriotique conservateur :
*la situation créée
par le Congrès de Vienne :
*l’un des membres
de la famille Czartoryski :
*Marcelina Czartoryska née Radziwill
(Marcelina Czartoryska z Radziwiłłów,
1817-1894), fille de Michel Radziwill (Michał
Radziwiłł, 1791–1846), épouse d’Alexandre Czartoryski (Aleksander Czartoryski, 1818-1886), neveu d’Adam ; élève de
Chopin à Paris ; pianiste assez renommée à l’époque ; présente dans
les dernières semaines de la vie de Chopin
*palais Bleu (Pałac Błękitny w Warszawie ou Pałac Zamoyskich), 37, rue Senatorska ; édifice datant de la fin du XVIIème siècle, acheté par la famille Zamoyski en 1811
*Stanislas Zamoyski : Stanislas Kostka Zamoyski (Stanisław Kostka Zamoyski, 1775-1856), président du Sénat du
royaume de Pologne à partir de 1822
*Adam Czartoryski (Adam Jerzy Czartoryski, 1770-1861). Voir la page Notices
biographiques
*comtesse
Zamoyska : Sophie
Zamoyska, née Czartoryska (Zofia Zamoyska
z Czartoryskich, 1778-1837), fille d’Adam Casimir Czartoryski
(1734-1823) ; sœur d’Adam ; épouse de Stanislas Kostka (à partir de 1798)
*la princesse Marie de Wurtemberg, née
Czartoryska (1768-1854), fille d'Adam Casimir Czartoryski (1734-1823) ;
sœur d’Adam ; épouse de Louis Frédéric de Wurtemberg (1756-1817) de 1784 à
leur divorce en 1793 ; conserve par la suite l’appellation
« princesse de Wurtemberg »
*Société de bienfaisance de Varsovie (Warszawskie Towarzystwo Dobroczynności), fondée en 1814 à l'initiative de Sophie Zamoyska ; membres notables : Julien Niemcewicz, Stanislas Staszic, Jean Paul Woronicz ; installée au palais Kazanowski à partir de 1818
*Julien Niemcewicz : Julien-Ursin Niemcewicz
(Julian Ursyn Niemcewicz h. Rawicz, 1757-1841)
Page
20
de
la littérature polonaise, a décrit l’une de ces réunions dans une pièce en un
acte :
« La comtesse : Voyez comme nous
sommes pauvres ! Tous nos efforts ne mènent à rien. Nous implorons haut et
bas mais personne ne nous entend, ou plutôt n’entend la voix des pauvres. Il
n’y a rien à faire que de continuer d’avoir nos méthodes habituelles, mais
quelque peu modifiées. Je me flatte d’avoir, avec M. Lubienski*, perfectionné
nos techniques. Nous allons donner mardi prochain un concert où le petit Chopin
va jouer ; si nous imprimions qu’il n’a que trois ans, chacun voudra se
ruer pour voir le prodige. Imaginez combien d’entrées et combien d’argent nous
récolterions !
Tous : Bravo ! Bravo !
Quelle merveilleuse idée, excellent ! Imprimons donc que Chopin n’a que
trois ans.
Princesse Sapieha* : Je pense que ce serait
plus sensationnel encore si nous imprimions que le petit Chopin sera porté sur
scène par sa nounou.
Tous : Bravo ! Bravo !
Quelle idée fantastique, princesse ! » (11)
L’un
de ces concerts, probablement le premier, eut lieu le 24 février 1818. Quoi
qu’on ait pu dire par la suite, la
presse annonça que Frédéric avait neuf ans, le vieillissant toujours d’un an.
Le concert fut donné dans la salle de bal de l’ancien palais Radziwill, devenu
bâtiment public, que l’on utilisait en ce genre de circonstances. Ce fut un
grand succès. Chopin interpréta un concerto pour piano du compositeur tchèque
Gyrowetz. C’était sans doute la première fois qu’il se produisait devant un
auditoire aussi nombreux. Sa renommée se propagea dans toute la capitale, et
peu de temps après on vit le plus somptueux (et le plus redouté) des attelages
de Varsovie s’arrêter devant l’appartement des Chopin, au palais de Saxe, pour
emmener l’enfant de huit ans au Belvédère.
Le
Belvédère* était la résidence du grand-duc
Constantin Pavlovitch*, frère du tsar Alexandre et son représentant dans le
royaume de Pologne. Cet ogre schizophrène était craint et même détesté dans
tout le pays pour cet amour mêlé de haine qu’il portait à la Pologne entière.
Notes
*M. Lubienski : Félix Lubienski (Feliks Łubieński,
1758-1848), juriste ; ministre de la Justice du duché de Varsovie ;
dignitaire du royaume de Pologne
*Princesse Sapieha : peut-être Anne Sapieha épouse Czartoryska (Anna Czartoryska, 1799-1864), épouse d’Adam Czartoryski ; ou sa mère Anne Edwige Zamoyska épouse Sapieha (Anna Jadwiga, 1772-1859)
*Princesse Sapieha : peut-être Anne Sapieha épouse Czartoryska (Anna Czartoryska, 1799-1864), épouse d’Adam Czartoryski ; ou sa mère Anne Edwige Zamoyska épouse Sapieha (Anna Jadwiga, 1772-1859)
*le Belvédère : palais du Belvédère
(pałac Belwederski w Warszawie), actuelle
résidence du président de la République polonaise
*le grand-duc Constantin
Pavlovitch (1779-1831) :
second fils du tsar Paul 1er ; renonce au trône après la mort
d’Alexandre 1er (1825), laissant la place à son frère Nicolas ;
commandant de l’armée du royaume de Pologne de 1815 à 1830 (« chef de
l’armée du royaume de Pologne » de 1815 à 1830, il n’est pas
« vice-roi », charge confiée au général Zajonczek jusqu'à sa mort en
1826, non pourvue par la suite)
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21
Nicolas Chopin n’était pas homme à laisser les
sentiments entraver la carrière de son fils. C’était un grand honneur pour le
petit garçon que d’être ainsi réclamé au Belvédère et une grande victoire
d’apaiser avec sa musique les redoutables colères du grand-duc.
Ce
dernier était un obsédé des parades militaires, et Chopin fit sa conquête en
interprétant une marche de son cru. On raconte que, lorsque Frédéric commença
de la jouer, le grand-duc se mit à arpenter de long en large le salon en
battant la mesure et qu’elle l’enchanta à tel point qu’il la fit adapter pour
fanfare militaire afin qu’elle fût jouée aux défilés (12).
Le
plus surprenant était qu’on ne recherchait pas seulement Frédéric pour
distraire le grand-duc et son épouse mais aussi pour jouer avec Paul, le fils illégitime et chéri du
grand-duc*, et avec la fille de son tuteur
[précepteur], Alexandrine de
Moriolles*. De telles relations promettaient à Frédéric une carrière des
plus brillantes, ce dont Nicolas Chopin
ne pouvait que se féliciter. Mais, en même temps, il prenait soin que le succès
ne montât pas à la tête de son fils et que son talent ne fût pas exploité par
autrui.
Comme
la famille Chopin fréquentait aussi les milieux plus humbles – non pas en
termes de classes sociales mais de mode de vivre et de penser –, cela
facilitait les choses.
Chez
Teresa Kicka* ou chez le général Sowinski*, héros unijambiste des
guerres napoléoniennes, prévalait un esprit plus nationaliste et républicain,
et l’on encourageait Chopin comme un nouveau génie « polonais ».
Il
reçut ainsi une extraordinaire formation. Elevé dans l’atmosphère ouatée de sa
famille, il fut introduit dans quelques-uns des plus prestigieux salons
d’Europe, invité à jouer devant les plus grands personnages du pays, gâté par
leurs femmes, tout en s’amusant avec leurs enfants sur un pied d’égalité.
Familiarisé
dès son plus jeune âge avec la plus haute société, il acquit très tôt
d’excellentes manières et une grande aisance dans ses rapports avec les grands
de ce monde, tout en vivant dans l’univers beaucoup plus modeste de sa famille
et de son entourage immédiat.
En
1817, le lycée déménagea du palais de Saxe pour
Notes
*Paul, le fils illégitime et chéri du
grand-duc : Paul Constantinovitch Alexandrov (1808-1857)
*Alexandrine de Moriolles : petite-fille
d’Alexandre de Moriolles (1760-1845), précepteur de Paul Constantinovitch
*Teresa Kicka (1790-1865), sœur d’Eve
épouse Sulkowska (1786-1824), épouse du général Antoine Sulkowski (1785-1836)
*général Sowinski : Joseph Sowinski (Józef Longin Sowiński, 1777-1831),
officier ; né à Varsovie ; élève officier ; participant à l’insurrection de
Kosciuszko ; dans l’armée prussienne (1799-1811) ; dans l'armée du duché de
Varsovie (1811-1815) ; du royaume de Pologne (1815-1830) ; participant à
l'insurrection de 1830-1831 ; chef de la garnison de Varsovie en 1831 ; mort au
combat le 6 septembre
Page
22
s’installer
dans un endroit moins grandiose mais plus agréable, le palais Casimir*, bâtiment du XVII° siècle, fort bien restauré et
flanqué d’un portique à colonnes et de deux ailes.
[…]
Les
Chopin occupèrent […] un grand appartement où ils purent héberger jusqu'à six pensionnaires.
[…]
C’est
à cette époque que Frédéric commença à se faire des amis, en dehors de sa
famille. Il se lia étroitement avec Jean Bialoblocki, son aîné de cinq ans, et
Titus Woyciechowski, de deux ans plus âgé. Tous deux bons pianistes, ils étaient
pensionnaires de Nicolas.
Cette
immersion dans des mondes si différents, combinée avec la discrète influence de
son père, eut un effet profond sur le caractère de Chopin. Il se familiarisa
précocement avec la vie sociale et devient capable d’évoluer dans tous les
milieux sans en tirer de vanité.
[…]
Notes
*palais Casimir (Pałac Kazimierzowski w Warszawie), rue du Faubourg de Cracovie
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23
Il
devait ce trait de caractère en grande partie à son père qui, décidé à ce que
la musique et le prestige qu’elle lui conférait ne lui tournassent pas la tête,
ne voyait dans les dons de son fils que de charmants agréments. C’est tout à
l’honneur de Nicolas Chopin, si l’on
considère avec quelle brutalité les enfants prodiges étaient […] exploités par
leurs parents. Cela dit, on l’exhibait chaque fois que l’occasion se présentait
d’améliorer ses chances de réussite. Lorsqu’en 1818, l’impératrice Maria Fiodorovna*, mère du tsar
Alexandre et du grand-duc Constantin, se rendit à Varsovie pour effectuer la
tournée classique des collèges et institutions, elle visita la classe de Chopin
au lycée. Celui-ci, qui n’avait que huit ans, lui joua deux de ses polonaises.
Un an après, lorsque la célèbre cantatrice Angelica
Catalani* vint à Varsovie donner quelques concerts, le petit garçon fut à
nouveau exhibé, et il impressionna tant la Catalani qu’elle lui offrit une
montre en or gravée.
Il
était hors de question que l’enfant jouât pour de l’argent ou participât à des
concerts publics, les concerts de charité exceptés. Il se produisait alors en
compagnie de musiciens amateurs de l’aristocratie ou d’autres enfants.
Nicolas Chopin veillait bien à ce que
son fils ne fût pas considéré comme un musicien professionnel. La profession de
musicien était pour lui à peine plus respectable que celle de comédien. Ayant
réussi par lui-même à d’élever dans la hiérarchie sociale, il n’envisageait pas
pour son fils une carrière autre que celle de gentilhomme.
Tout
en garantissant à Chopin un certain standing social, cette conception des
choses lui donné par la suite une légère aura d’amateurisme qui, dans quelques
milieux, lui assura une réputation exceptionnelle et, dans d’autres, un dédain
immérité. Même lorsqu’il devint plus tard un professionnel, on trouvait
difficile de le traiter comme tel. »
Notes
*Maria Fiodorovna : Sophie de
Wurtemberg-Montbéliard (1759-1828),
princesse allemande, rebaptisée Maria Fiodorovna,
épouse du tsarévitch Paul en 1776, mère d’Alexandre 1er, de Nicolas
1er et du grand-duc Constantin.
*Angelica Catalani (1779-1849), cantatrice
italienne, née à Senigallia près d'Ancône
Autres
pages sur le livre d’Adam Zamoyski
Création : 19 avril 2018
Mise à jour : 22 avril 2018 (notes)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 325. Adam Zamoyski 4 Frédéric Chopin
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2018/04/adam-zamoyski-4-biographie-de-frederic.html
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