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jeudi 14 février 2019

344. Alain Duault 2. Citations : Nicolas Chopin

Quelques citations du livre d’Alain Duault consacré à Chopin : Nicolas Chopin


Classement : biographies ; Frédéric Chopin


Accueil

Bibliographie

Table des Matières : vue d’ensemble
Première partie :Aperçus historiques (Pologne et relations franco-polonaises)
Deuxième partie :Frédéric Chopin, questions biographiques
Troisième partie :La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :
Le statut de Frédéric Chopin quant à la nationalité
Le statut de Nicolas Chopin quant à la nationalité

Index des personnes citées dans le blog


Ceci est la suite de la page Alain Duault biographe de Chopin, dans laquelle je présente l’auteur et l’ouvrage.

Référence
*Alain Duault, Frédéric Chopin, Arles, Actes Sud, collection « Classica », 2004

Citations (Chapitre 1 Les origines)
Pages 11-12
« […] François Chopin* se fixe à partir de 1769 à Marainville, un village de Lorraine édifié en demi-cercle autour d’un château Renaissance qui appartient alors au comte de Rutant*, chambellan du roi Stanislas Leszczynski. Il habite une maison modeste […] avec sa jeune femme, Marguerite Deflin, dont il aura trois enfants, un fils et deux filles. Il deviendra même syndic de la ville. Le destin commence là à tracer ses lignes, Marainville étant alors liée à la Pologne. Car en 1736, contraint d’abdiquer, le roi Stanislas Leszczynski* a obtenu de son gendre, Louis XV, roi de France, marié à Marie Leszczynska, le duché de Lorraine […]. »
Notes
*François Chopin : grand-père paternel de Frédéric. Voir la pagLes familles Chopin de Lorraine et de Pologne  
*comte de Rutant : voir la page Charles Joseph de Rutant, comte de Marainville 
*le roi Stanislas Leszczynski : roi de Pologne de 1704 à 1709, réélu en 1733, mais sans suite. Voir la page La dynastie saxonne et Stanislas Leszczynski  

Pages 12-13
« Du chambellan de Stanislas Leszczynski, le château de Marainville passe ensuite aux mains d’un autre aristocrate polonais, le comte Michel Pac, qui en confie l’administration à son intendant, Jan Adam Weydlich. Et c’est là que le destin frappe une deuxième fois : le fils de François Chopin, Nicolas, né le 15 avril 1771, a près de neuf ans quand Weydlich arrive à Marainville. C’est un enfant qui se distingue par une vive intelligence et une grande sensibilité, attirant l’attention de Weydlich et le conduisant à s’intéresser personnellement à son éducation. Grâce à son appui, le jeune Nicolas va suivre à Nancy des cours d’enseignement général et de comptabilité, ainsi que de musique. Sans doute Weydlich songe-t-il à en faire son employé. » […]

Page 13
« Le tournant se situe en 1785, quand le comte Pac décide de vendre Marainville : Nicolas Chopin comprend que cela signifie le retour des Weydlich en Pologne et l’abandon de tout espoir d’avancement social et intellectuel. Il réfléchit quelques mois et, en 1787, décide seul, sans même chercher l’accord de son père, de partir pour la Pologne. »

Page 13-14
« A son arrivée à Varsovie, il se confie aux bons soins de Weydlich, qui le fait employer par le comte Pac, dans quelques-uns des domaines qu’il possède en Pologne. Puis on le retrouve comptable dans une manufacture de tabac dirigée par un Français. Il écrit plusieurs lettres à ses parents, sans réponse : ceux-ci ont-ils renié le fils ingrat ? Ou bien ses deux sœurs ont-elles fait en sorte qu’on le croie mort afin de l’écarter définitivement de la succession (d’ailleurs, à la mort du père, l’héritage n’a effectivement été partagé qu’entre les deux sœurs) ? Toujours est-il que les liens familiaux sont rompus. Les liens nationaux le sont aussi du fait de la Révolution qui ensanglante la France et, vue de l’étranger, suscite plutôt chez le jeune Nicolas des réflexes de peur. Non, décidément, il n’a guère envie de retourner en France. »

Page 14
« Mais la situation en Pologne est, elle aussi, révolutionnaire : Nicolas assiste en 1791 à la proclamation de la Constitution qui doit symboliser la renaissance et l’indépendance nationales ; le roi soutient le projet, mais la Pologne est soumise à la subordination de la Russie. Catherine II ne supporte pas cette velléité de liberté et intervient militairement. Pour défendre la Constitution contre les occupants, une insurrection nationale menée par Tadeusz Kosciuszko réunit des milliers de Polonais… et Nicolas Chopin, qui s’engage aux côtés des patriotes. Au bout de quelques mois de combat, il est même promu capitaine. Hélas, la jeune armée polonaise ne tient pas le choc face à la puissance de l’armée russe, à laquelle s’est alliée l’armée prussienne. L’écrasement de la rébellion est le prélude au dépeçage de la Pologne, partagée entre la Russie, la Prusse et l’Autriche. »

Page 14-15
« Le jeune capitaine Chopin a été légèrement blessé durant les combats ; la manufacture de tabac où il travaillait a fermé ses portes et son propriétaire est rentré en France. Nicolas Chopin y songe lui aussi ; il retient même une place dans la diligence – mais une crise d’asthme l’empêche de partir. Manifestation psychosomatique ? Quelques mois plus tard, quand il sera encore question de partir, c’est une nouvelle maladie qui l’en empêchera… »

Page 15
« En fait, Nicolas Chopin n’a sans doute guère envie de retourner dans son pays natal : il s’est assimilé à la Pologne, il a d’ailleurs troqué son prénom contre celui de Mikołaj, il découvre avec passion la littérature polonaise – tout en continuant à cultiver son amour pour la culture française. Il a toutes les qualités requises pour faire un bon précepteur. Et comme, grâce aux relations qu’il a conservées avec la famille Pac, il a pu s’introduire dans les salons de l’aristocratie polonaise, il est bientôt engagé par la comtesse Laczynska pour s’occuper de ses quatre enfants, deux garçons et deux filles – dont la plus jeune, Maria, passera dans l’histoire quelques années plus tard sous le nom de Marie Walewska, le grand amour de Napoléon. »

Page 15-16
« […] en 1802 une amie de la comtesse Laczynska, la comtesse Skarbek, qui a entendu vanter les talents pédagogiques de Mikołaj Chopin, souhaite engager le jeune précepteur pour ses cinq enfants – en particulier pour son fils aîné, Fryderyk. La comtesse Laczynska cède au désir de son amie et Mikołaj Chopin se retrouve donc dans le domaine de Zelazowa Wola, à quelque cinquante kilomètres de Varsovie – où l’attendent les enfants de la comtesse Skarbek… et la jeune intendante, cousine éloignée de la comtesse, Justyna Krzyzanowska. Elle a vingt ans, les yeux bleus, elle joue du piano et chante avec une agréable voix de soprano, Mikołaj joue du violon et de la flûte. L’intermède de musique de chambre se prolonge près de quatre ans et le mariage est célébré le 2 juin 1806 : Mikołaj a trente-cinq ans, Justyna vingt-quatre. » […]

Page 16
« Le premier fruit de cette union harmonieuse naît en avril de l’année suivante : c’est une fille, Ludwika. […], le 1er mars 1810, […] Justyna donne le jour à un garçon. En l’honneur du fils aîné des Skarbek, qui sera son parrain, l’enfant est prénommé Fryderyk. »

Notes et commentaires
A venir



Création : 14 janvier 2019
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 344. Alain Duault 2. Citations : Nicolas Chopin
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mercredi 14 mars 2018

323. Jolanta Pekacz 4 : Eléments biographiques sur Nicolas Chopin

Quelques informations sur un article de Jolanta Pekacz consacré à Chopin


Classement : biographies ; Nicolas Chopin


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Table des Matières : vue d’ensemble
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Le statut de Frédéric Chopin quant à la nationalité
Le statut de Nicolas Chopin quant à la nationalité

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Ceci est la suite des pages
*Jolanta Pekacz biographe de Chopin (2006), dans laquelle je présente l’auteur et cet article et
*Jolanta Pekacz 2 : problèmes généraux de la biographie, dans laquelle je présente sa conception de la biographie
*Jolanta Pekacz 3 : Eléments biographiques sur Chopin, dans laquelle j’étudie quelques passages de son article.
Je reproduis ci-dessous quelques passages consacrés aux relations de Nicolas  Chopin avec la Pologne.


Référence
*Jolanta Pekacz, « The Nation’s Property : Chopin’s Biography as a Cultural Discourse », dans Jolanta Pekacs (editeur), Musical Biography Towards New Paradigms, Aldershot, Ashgate Publishing, 2006, pages 43-68

Présentation
Le but de l’article de Jolanta Pekacz est de faire un certain nombre de mises au point sur les relations entre Chopin, la France et la Pologne. Quoique d’origine polonaise, elle critique le point de vue des biographes polonais du XIX° qui cherchaient à faire de Chopin exclusivement un représentant de l’« esprit national polonais », de l’« âme polonaise », minimisant par divers procédés l’importance de son expérience de l’exil en France.
Après avoir évoqué la biographie de Frédéric (voir page Eléments biographiques sur Chopin), elle aborde celle de Nicolas, s’efforçant de « déconstruire » des lieux communs biographiques.

Texte
En gras : formules les plus intéressantes.
Page 48
« Chopin’s biographers typically emphasize an allegedly rapid and thorough Polonization of his father Nicholas, who was French and came to Poland at the age of seventeen, while at the same time they do not admit any possibility that Fryderyk could have experienced a similar process of acculturation when he arrived in France at the age of twenty-one(15). While for Polish authors the Polonization of foreigners arriving in Poland has been typically an unproblematically positive process, a Pole embracing a foreign culture and language could be accused or betrayal of Poland (16). And an artist who made a name for himself, whether at home or abroad, became a national and public property. Nicholas’s thorough Polonization was therefore important because it implied that he did not exert any significant French influence on his son; and even though Nicholas was a teacher of the French language, he never made Fryderyk master it (17). A possibility that Nicholas’s Polonization could have been a matter of convenience for him, not a matter of conviction and emotional identification, does not enter the discourse of Chopin’s national background.
Nicholas’s attitude to his adopted homeland has never been a subject of thorough research but the available sources suggest a more complex story than the one typically told. For example, Maurycy Karasowski writes that, before settling down in Poland for life in 1806, Nicholas attempted to leave Poland twice and return to

Page 49
France – in 1793, when he lost his tutor’s job with Mme Laczynska, and in 1794, after the collapse of the Kosciuszko Uprising – but each time a serious illness prevented him from realizing his plans. According to Karasowski and many other biographers who repeat the story, Nicholas saw it as God’s plan* and stayed in Poland (18). This decision can hardly be considered a result of an infatuation with Poland and Polish culture such as Chopin’s biographers (including Karasowski) typically attribute to Nicholas. Furthermore, the letters Nicholas wrote to Fryderyk from Warsaw to Paris at the beginning of Fryderyk’s stay in the French capital, contain unflattering comments about the Poles. As early as November 1831, for example, Nicholas warned his son against having confidence in “every newcomer” from Poland (19). In spite of having himself taken part in the Kosciuszko Uprising in Poland in 1794, later in his life old Chopin manifested a decidedly hostile attitude towards all kinds of political disturbances. “Your letter of 6 [June 1832] made me happy because I learned that you were not in danger during the riot which occurred and which was instigated by rascals,” wrote Nicholas from Warsaw after the turmoil in Paris on the occasion of the funeral of the general Lamarque at the beginning of June 1832. He continued:
“Some papers report that Poles took part and thus abused the [French] hospitality they enjoy: have they not had their fill of such nonsense? They caused enough trouble here. I am sure that the number of those participating in the turmoil was small, for who would be so mad as to share their destructive ideas? Thank God the level-headed section of the nation has triumphed, and order has been restored. (20)”
On another occasion, old Chopin expressed his concern about the “leeches” surrounding Fryderyk in Paris, meaning Poles asking him for loans (21).  »

(15) In order to remove any doubt as to the purity of Chopin’s Polishness, some biographers claimed that Chopin father’s ancestry was Polish (for example, Henryk Opienski, whose Chopin was first published in 1909, and an enlarged version in 1925). According to this version, now entirely discarded, a Polish courtier named Szop was a member of the retinue of the Polish king Stanislaw Leszczynski (1677-1766) who was also Duke of Lorraine, and came with the king to France and settled in Nancy. The possessive form of the name Szop is Szopen and it corresponds phonetically to the French sound of the name Chopin. See Nicolas Slonimsky, “Chopiniana: Some Materials for a Biography”, Musical Quarterly 34, n° 4, 1948, page 469
(16) The extent of such appropriations is illustrated by an attack that Polish writer Eliza Orzeszkowa launched in 1899 against her famous compatriot Joseph Conrad, accusing him of betraying his country for money. […]
(17) It was vital to prove Fryderyk’s Polishness because only Polish Chopin could be a legitimate heir of the Polish “national spirit”. See Dahlhaus’s discussion on the change from nationalism in music as a stylistic option available to all composers regardless of their ethnic origin prior to the nineteenth century, into nineteenth-century nationalism in music understood as a heritage of the “national spirit”. Nineteenth-Century Music, 39-40
(18) Maurice Karasowski, Frédéric Chopin, 9
(19) Lettre de Nicolas Chopin à Frédéric, 27 novembre 1831
(20) [version originale du texte]
(21) Lettre de Nicolas Chopin à Frédéric, 9 février 1835

Notes
*in 1793, when he lost his tutor’s job with Mme Laczynska : Jolanta Pekacz fait ici une erreur : Nicolas  Chopin travaille chez les Laczynski de 1795 à 1802 ; jusqu’en 1794, il a exercé plusieurs emplois, jamais de très longue durée
*According to Karasowski, Nicholas saw it as God’s plan : cet énoncé alambiqué révèle malgré tout qu’il ne s’agit pas d’une interprétation de Karasowski, mais de la transmission (par le biais d’Isabelle Chopin, « informateur » de Karasowski) d’une « anecdote » que Nicolas  Chopin a dû répéter plusieurs fois au cours de sa vie. C’est Nicolas  Chopin qui interprétait ses maladies comme des « signes du destin ». Il est clair par ailleurs qu’en 1793-1794, il n’avait que 22-23 ans. La phrase « This decision can hardly be considered a result of an infatuation with Poland and Polish culture » paraît donc hors de propos et en déclage avec celle du début, selon laquelle il s’agit de « a more complex story than the one typically told ».

Commentaires
De ces paragraphes il ressort :
1) que devenu vieux (old Chopin), Nicolas était devenu « réac » ;
2) que peut-être bien qu’il n’aimait la Pologne que par opportunisme, puisque
a) en 1793 et 1794, il avait voulu revenir en France ;
b) en 1831 et après, il incitait Frédéric à se méfier des tapeurs polonais réfugiés à Paris (que  de façon désobligeante, il appelait « sangsues »).
Il me semble que Jolanta Pekacz mène ici une attaque visant à discréditer à travers quelques traits supposés significatifs, plutôt qu’elle ne fait une analyse de l’ensemble de la biographie de Nicolas Chopin.



Création : 14 mars 2018
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Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 323. Jolanta Pekacz 4 : Eléments biographiques sur Nicolas Chopin
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mardi 30 janvier 2018

319. Adam Zamoyski 3 Biographie de Nicolas Chopin

Quelques informations sur Adam Zamoyski et sur son livre consacré à Chopin : biographie de Nicolas Chopin


Classement : biographies ; Nicolas Chopin


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Bibliographie

Table des Matières : vue d’ensemble
Première partie :Aperçus historiques (Pologne et relations franco-polonaises)
Deuxième partie :Frédéric Chopin, questions biographiques
Troisième partie :La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :
Le statut de Frédéric Chopin quant à la nationalité
Le statut de Nicolas Chopin quant à la nationalité

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Ceci est une suite de la page Adam Zamoyski biographe de Chopin (1979) dans laquelle je présente l’auteur et son livre.
J’étudie ci-dessous les passages concernant Nicolas Chopin dans le chapitre 1 « Enfance ».
A ce sujet, voir les pages :

Référence
*Adam Zamoyski, Chopin, Librairie Académique Perrin, 1986, pages 10 à 13

Texte
« Nicolas Chopin naquit le 15 avril 1771, dans une famille de viticulteurs et de charrons, au village de Marainville, dans le département des Vosges.
Consciencieux et d’une intelligence vive, il se débrouilla pour apprendre à lire et à écrire*, ce qui le fit remarquer par Adam Weydlich*, administrateur polonais des domaines de Marainville, dont le château appartenait à un autre Polonais, le comte Pac.
Lorsqu’en 1787 celui-ci décida de regagner sa patrie, il emmena avec lui* l’adolescent de seize ans et lui confia, par la suite, un emploi dans sa manufacture de tabac de Varsovie*.
Nicolas Chopin passa les quelques années qui suivirent à travailler comme clerc, ou comptable, et son avenir lui paraissait à ce point prometteur qu’il ne chercha pas à profiter de l’occasion qu’il eut, trois ans plus tard, de rentrer en France.
Le comte Pac, pour lequel Weydlich travaillait toujours*, avait besoin de régler certaines affaires à Strasbourg. Nicolas avait été pressenti pour cette tâche.
Mais la Révolution française avait éclaté. Il craignait d’être enrôlé dans l’armée française s’il retournait // dans son pays*. Il préféra faire carrière à Varsovie, ville à laquelle il se sentait déjà très attaché (1).
Le climat général d’une nation en plein déclin économique et politique, mais qui connaissait en même temps une renaissance sociale et culturelle profonde, devait séduire ce jeune étranger qui souhaitait affermir sa position dans le monde.
Le déclin de la Pologne s’acheva alors que Nicolas Chopin ne s’y trouvait que depuis cinq ans, quand, en 1792, les Etats limitrophes de Russie, de Prusse et d’Autriche occupèrent et se partagèrent la plus grande partie de son territoire*.
L’entreprise de Weydlich dut fermer, et Nicolas, ayant peu d’espoir de trouver un emploi à Varsovie, songea à rentrer en France. Avant qu’il pût mettre son projet à exécution, il tomba malade. Le temps de se rétablir, un soulèvement général* avait eu lieu en Pologne* (1794). Nicolas Chopin s’engagea dans la Garde nationale de Varsovie où il obtint le grade de lieutenant.
L’année suivante, les Polonais furent vaincus par les puissances coalisées de la Russie et de la Prusse ; Nicolas, blessé, se trouva de nouveau sans emploi.
C’est alors qu’une chance inespérée s’offrit à lui. Cette même année, il fut engagé par une riche famille, les Laczynski, qui habitait la campagne, à l’ouest de Varsovie, comme précepteur de leurs enfants.
C’était une aubaine pour Nicolas Chopin de trouver un tel poste, car les pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale étaient envahis de réfugiés français fuyant la Révolution qui survivaient en occupant ce genre d’emploi. Les hobereaux polonais se plaisaient à accueillir sous leur toit tel vicomte ou tel abbé qui arpentaient leur demeure en racontant des histoires sur la vie à Versailles, tout en vidant leur cave.
Le fait que Nicolas ait pu briser ce monopole montre quel raffinement d’éducation et de manières il avait acquis, depuis sept ans qu’il avait quitté la maison paternelle. Qui plus est, cette nouvelle situation lui conférait un certain cachet de respectabilité.
Il passa six années chez les Laczynski. Parmi les enfants // auxquels il enseignait, il y avait la petite Marie*, celle-là même qui, après son mariage avec Anastase Walewski, devait devenir la maîtresse de Napoléon.
Les enfants ayant grandi, Nicolas assuma les mêmes fonctions chez un parent des Laczynski, le comte Skarbek, qui vivait non loin de là, dans son domaine de Zelazowa Wola.
Il y passa les quelques années suivantes à veiller à l’éducation des quatre enfants du comte et, en 1806, épousa Tekla Justyna Krzyzanowska, une parente pauvre des Skarbek qui assumait chez eux les fonctions d’intendante.
Le couple eut, l’année d’après, une fille, Louise, et se transporta dans l’une des maisons au toit couvert de chaume attenantes au manoir, où il occupa deux pièces.
C’est dans l’une de ces pièces blanchies à la chaux avec son sol de terre battue que naquit, en 1810, leur fils, baptisé Frédéric François, […].
[…] Quoiqu’on eût souvent associé le nom de Chopin au domaine de Zelazowa Wola, la famille, en fait, le quitta peu de temps après la naissance de Frédéric. Ruiné, le vieux comte Skarbek avait fui à Paris pour échapper à ses créanciers*. Il laissait sa femme veiller de son mieux à l’éducation de leurs quatre enfants. Mis à part le fait // que le benjamin avait atteint l’âge adulte et n’avait plus besoin d’un précepteur, la comtesse n’était plus en mesure d’assumer les frais d’entretien de Nicolas Chopin et de sa petite famille. Nicolas lui-même avait déjà songé à s’installer à Varsovie quelques temps avant la naissance de son fils.
La Pologne centrale* était alors presque entièrement libérée par les armées napoléoniennes et comprenait un nouvel Etat, le Grand Duché de Varsovie*, qui apparaissait comme un satellite de la France. La langue française devenait moins un luxe qu’une nécessité, ce qui convenait à Nicolas Chopin.
Il s’arrangea pour obtenir un poste de professeur de français au lycée de Varsovie et, un peu plus tard, dans une école militaire*. Ainsi, la petite famille quitta Zelazowa Wola pour la capitale, six mois après la naissance de Frédéric.
Le lycée de Varsovie était situé dans ce qu’on appelait le palais de Saxe*. […] Comme il n’y avait pas de logements prévus pour les élèves venus de la province, les professeurs qui le souhaitaient pouvaient occuper de grands appartements dans l’une des ailes du palais et augmenter leurs revenus en prenant des locataires.
Travailleur, économe, Nicolas Chopin profita de l’occasion et s’installa dans le palais de Saxe. Le mode de vie qu’il connut à Varsovie, […], lui convenait. Il avait, depuis quelque temps, décidé d’adopter la Pologne comme patrie et de s’intégrer dans la société polonaise*. Cela n’avait rien d’original : la plupart de ses collègues – du recteur Samuel Bogumil Linde* aux Kolberg*, Ciampi* et Vogel*, petits bourgeois d’origine étrangère – étaient devenus plus polonais que les Polonais eux-mêmes.
Depuis des siècles, la Pologne, peu chauvine, attirait à elle un grand nombre d’étrangers qui, jusqu’ici, avaient maintenu leurs traditions ethniques*. Après la chute de l’Ancien Régime et l’essor du nationalisme, la Pologne continuait d’attirer des étrangers qui se réclamaient de la Nation polonaise.
(1) Pour les documents se rapportant aux origines de Nicolas Chopin et sa venue en Pologne, voir la Correspondance de Frédéric Chopin par B. E. Sydow et S. et D. Chainaye, volume 1. »

Notes
*il se débrouilla pour apprendre à lire et à écrire : vision un peu « conte de fées » ; en fait, en Lorraine, l’alphabétisation (par l’école) était forte (voir la page L'enseignement en Lorraine vers 1780) 
*Adam Weydlich (1742-ca1815) : voir les pages 44) Adam Weydlich (1742-ca 1815) et Adam Weydlich : Biographie détaillée 
le comte Pac : Michel Jean Pac (1730-1787) ; voir la page Michał Jan Pac (1730-1787) 
*lorsqu’en 1787 celui-ci décida de regagner sa patrie, il emmena… : phrase peu claire ; « celui-ci » semble désigner Pac, « il » Weydlich, qui est aussi le référent de « sa manufacture » (plus, infra : « l’entreprise de Weydlich »)
*manufacture de tabac de Varsovie : voir la page La manufacture de tabac de Varsovie ; celle-ci n’appartenait pas à Adam Weydlich
*le comte Pac, pour lequel Weydlich travaillait toujours : l’auteur semble ignorer que Michel Pac est mort en 1787 (à Strasbourg)
*Il craignait d’être enrôlé dans l’armée française s’il retournait dans son pays : dans sa lettre de 1790, Nicolas Chopin écrit, entre autres, à ses parents : « je vous prie de m’informer si la milice n’est pas plus stricte qu’elle était car on nous dit que tous les jeunes garçons depuis l’âge de dix-huit ans sont tous soldats » (en l’occurrence, c’était une fausse information)
*en 1792, les Etats limitrophes de Russie, de Prusse et d’Autriche occupèrent et se partagèrent la plus grande partie de son territoire : après le premier partage subi en 1772 au profit de ces trois pays, le second (1793) ne concerne que la Russie et la Prusse.
*un soulèvement général avait eu lieu en Pologne : en 1794 ; généralement appelé « insurrection de Kosciuszko », cet épisode amène le dernier partage de la Pologne en 1795 (avec cette fois les trois puissances).
*les Laczynski : 
*les pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale : l’Europe de l’Est se réduit alors à la Russie et à la Pologne ; l’Europe centrale à l’Empire d’Autriche
*envahis de réfugiés français fuyant la Révolution : les émigrés français se trouvaient surtout dans les Etats allemands
*la petite Marie :
*le comte Skarbek : Casper Skarbek (1763-1823)
*qui vivait non loin de là, dans son domaine de Zelazowa Wola : au moment où Nicolas Chopin entre au service des Skarbek, le comte est déjà parti à l’étranger (mais il s’agit de la Prusse) et ce n’est qu’après son départ que son épouse Louise (née Fenger, 1765-1827) acquiert le domaine de Zelazowa Wola, abandonnant des domaines dans la région de Torun (notamment à Izbica Kujawska)
*ruiné, le vieux comte Skarbek avait fui à Paris pour échapper à ses créanciers : voir ci-dessus
*Pologne centrale :
*le Grand Duché de Varsovie : le duché de Varsovie (Ksiestwo Warszawskie), créé en 1807 par le traité de Tilsit
*une école militaire : voir page 162) Le dossier professionnel de Nicolas Chopin 1) Ladaique ; « collaborateur » du lycée de Varsovie en 1810, il devient professeur de français à l’Ecole d’Artillerie et du Génie en 1812 ; au lycée en 1814 ; à l’Ecole militaire d’Application en 1820
*le palais de Saxe : (Pałac Saski w Warszawie) : cf. site La Varsovie de Chopin ; les bâtiments n'existent plus . le lycée y reste jusqu'en 1817, déménageant alors au palais Casimir (Pałac Kazimierzowski, ulica Krakowskie Przedmieście 26/28)
*il avait, depuis quelque temps, décidé d’adopter la Pologne comme patrie et de s’intégrer dans la société polonaise : il n’y a pas de document attestant formellement d’un tel choix ; l’auteur interprète simplement le mariage et l’abandon du préceptorat
*Samuel Bogumil Linde (Samuel Bogumił Linde, 1771-1847) : linguiste polonais d’origine allemande (né à Torun) ; proviseur du lycée de Varsovie des origines à 1831 (cf. notice de la Wikipédia polonaise), ami de la famille Skarbek, il donne à Nicolas Chopin son premier poste dans l’enseignement public.
*Kolberg : la famille Kolberg était logée au palais Casimir en même temps que les Chopin et les liens entre les deux familles étaient importants. Composition de la famille : Guillaume Kolberg (Wilhelm Kolberg, 1807-1877), élève du lycée de Varsovie, ingénieur, frère d'Oscar (Oskar, 1814-1890), musicologue, et d'Antoine (Antoni, 1815-1882), peintre ; fils de Jules (Julius, 1776-1831), géographe, professeur à l'université de Varsovie, et de Caroline Frédérique Mercœur (1788-1872, née en Prusse, fille de Gotfryd (Gottfried) Mercoeur, d'ascendance française (huguenote), et d'Henrietta von Arnim) [Notice du NIFC]
*Ciampi : ????
*Vogel : ????
*un grand nombre d’étrangers qui, jusqu’ici, avaient maintenu leurs traditions ethniques : ????

Commentaires
1) Sur l’histoire en général
Zamoyski ne développe pas les points proprement historiques ; ses énoncés sont cependant approximatifs (l’évocation de la révolution française, des partages de la Pologne ainsi que des circonstances de la création du duché de Varsovie sont assez floues).
Plus intéressant, l’évocation des phénomènes d’immigration en Pologne.

2) Sur la biographie de Nicolas Chopin
Quelques erreurs :
Sur la biographie de Michel Pac.
Sur la manufacture de tabac de Varsovie.
Sur la biographie de la famille Skarbek.

Autres pages sur le livre d’Adam Zamoyski



Création : 30 janvier 2018
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Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 319. Adam Zamoyski 3 Biographie de Nicolas Chopin
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2018/01/zamoyski-biographie-de-nicolas-chopin.html







mercredi 12 avril 2017

285 Les études de Nicolas Chopin

Quelques informations sur les études de Nicolas Chopin


Classement : biographie ; Nicolas Chopin




Troisième partie : La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :



Ceci est un complément aux pages consacrées à Nicolas Chopin notamment : 

La question des études suivies par Nicolas Chopin est souvent évoquée dans les biographies de son fils. Nicolas a consacré la plus grande partie de sa vie à l’enseignement, d’abord comme précepteur, puis comme professeur de français dans l’enseignement secondaire et dans l’enseignement « spécial » (écoles militaires) du duché de Varsovie, puis du royaume de Pologne (voir Le dossier professionnel de Nicolas Chopin). Sa capacité comme enseignant n’est mise en question par aucun témoignage, au contraire. Il apparaît à l’âge adulte (à partir de 1795) comme doté d’une bonne culture. Comment l’a-t-il acquise ? Il est possible qu’il l’ait approfondie par lui-même dans les années 1790, mais on peut se demander quelles études il avait faites auparavant, avant de quitter la France pour la Pologne en 1787.

Hypothèses
Un « brevet d’études secondaires » ?
Certaines sources indiquent qu’il aurait reçu un « brevet d’études secondaires », ce qui à première vue paraît bizarre dans le cadre de l’enseignement de cette époque.
Références
*Bernard Gavoty, Frédéric Chopin, Paris, Bernard Grasset, 1973, page 20
*Eve Ruggieri, Chopin L’impossible amour, Paris, Michel Lafon, 2010, page 27

Le gymnase de Tantimont (Gymnasium Tantimontanum) ?
Le site De la note à la plume (lien), citant le site Nos circuits touristiques (lien), affirme qu’il a fait des études secondaires à Tantimont (lieudit de la commune d’Hergugney, situé à 1 km de Marainville-sur-Madon) dans un établissement nommé Gymnasium Tantimontanum (lien), dénomination attestée sur le bâtiment encore en place, qui utilise le mot Gymnasium/Gymnase au sens germanique de Lycée.
 .
Sur cette page, on trouve des extraits de Gabriel Ladaique :
« A 12 ans, les bons élèves étaient admis au Gymnasium Tantimontanum construit sur une butte, de l'autre côté du Madon. Il fallait donc franchir le cours d'eau à humeur très variable. Par temps calme, il suffisait de passer le gué au moulin de Bralleville mais si une crue arrivait, il fallait passer par le pont de Maxevoy. »
« De Tantimont, face au Mont Sion, on pouvait observer un certain nombre de monts. Ce lieu isolé fut sans doute occupé de bonne heure par une communauté chrétienne, peut-être des Templiers. [...]. En 1723, des chanoines du chapitre de Remiremont y avaient fondé un gymnasium. Le lycée dirigé par un docteur en théologie aidé de trois vicaires formerait des maîtres d'école et parachèverait la formation de prêtres et de diacres. L'établissement disposait d'un internat. Les matières enseignées sont peu connues. Le latin tenait une grande place ainsi que la littérature. Une étude attentive de la nature, accompagnée de travaux pratiques était dispensée en viticulture, apiculture, arboriculture et jardinage.
A la fin de la scolarité, le diplôme de maître d'école était accordé aux meilleurs élèves. Nicolas [Chopin] fut titulaire de cette récompense. »
Gabriel Ladaique, Les Origines lorraines de Frédéric Chopin
Gabriel Ladaique, Chopin et sa filiation française

Le gymnase de Tantimont est aussi évoqué sur le site BLE (lienqui se réfère à « la presse régionale ».
On trouve, par exemple sur le site Vosges-matin (lien) :
« À 5 km de là, le gymnasium de Tantimont, un collège religieux, propriété du chapitre des chanoinesses de Remiremont, qu’a fréquenté le père de Frédéric Chopin, enseigne l’astronomie, la calligraphie, le calcul et même les sciences occultes. »

Il existe donc un certain accord, mais la source la plus fiable (Gabriel Ladaique) n’est pas, en l’état, étayée de façon solide. Par ailleurs, ni Tantimont, ni Hergugney ne sont cités comme disposant d'un établissement secondaire dans le livre (mentionné ci-dessous) de Louis Maggiolo (voir la page L'enseignement en Lorraine vers 1780).

Le cadre général : une région avancée dans le domaine éducatif
Sources
*Jacques Ozouf et François Furet, Lire et écrire L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Editions de Minuit, 1977
*Louis Maggiolo, Les Ecoles en Lorraine avant et après 1789, Nancy, Berger-Levrault, 1891
*Louis Maggiolo, Historique de l’instruction publique dans les Vosges avant et après 1789, Epinal, Imprimerie Busy, 1889 [extrait de Léon Louis, Le Département des Vosges] (non consulté par moi)
*Alix de Rohan-Chabot, Les Ecoles de campagne en Lorraine au XVIIIème siècle, 1969 (non consulté par moi) (lien sur le site Persée)

Etudes primaires de Nicolas  Chopin
La question des études primaires de Nicolas Chopin ne pose pas de problème : la Lorraine en général, et le (futur) département des Vosges en particulier, font alors partie de la France fortement alphabétisée, comme le montrent les résultats fournis par le livre de Jacques Ozouf et François Furet.
Leurs résultats se fondent sur les signatures au mariage (des époux et de quatre témoins), indice qui est bien corrélé avec une connaissance effective de la lecture et de l’écriture (c'est-à-dire qu’en général, les gens n’apprenaient pas à signer sans avoir aucune autre connaissance de la lecture et de l’écriture).
A la fin du 17ème siècle, les Vosges ont un taux de signature au mariage supérieur à 30 % pour les hommes ; à la fin de l’Ancien Régime, on a un taux supérieur à 90%. Dans ces conditions, il serait impensable que le fils d’un paysan, notable de son village, n’ait pas reçu un enseignement élémentaire de bon niveau, qui pouvait inclure une initiation au latin, si le maître d’école le pouvait.

Ses études secondaires
A venir



Création : 12 avril 2017
Mise à jour : 7 mars 2018
Révision : 3 juillet 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 285 Les études de Nicolas Chopin
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2017/04/les-etudes-de-nicolas-chopin.html








lundi 10 avril 2017

284 Eve Ruggieri 2 : Nicolas Chopin

Quelques informations sur le livre d’Eve Ruggieri consacré à Chopin (2010) : comment elle évoque la vie de Nicolas  Chopin jusqu'en 1807


Classement : biographies ; Nicolas  Chopin




Troisième partie : La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :



Ceci est la suite de la page Eve Ruggieri biographe de Chopin (2010) dans laquelle je présente l’auteur et l’ouvrage.
Les éléments biographiques concernant Nicolas  Chopin apparaissent surtout dans le chapitre 2, notamment pages 26-29, que je cite ci-dessous.
S'agissant de Nicolas Chopin, voir les pages de ce blog qui lui sont consacrées (lien).

Référence
*Chopin L’impossible amour, Paris, Michel Lafon, 2010

Texte
Les astérisques sont des appels de note.

« Page 26
Mais qui sont les parents de Frédéric-François Chopin ? Deux êtres d’horizons totalement différents, vivant en parfaite harmonie.
Nicolas  Chopin est français venu, dans des circonstances assez troublantes, chercher fortune en Pologne. Né à Marainville*, un village des Vosges au pied de la montagne de Sion*, troisième enfant d’un paysan lorrain, charron ou vigneron, selon les fortunes des récoltes, Nicolas entre au service du seigneur du lieu chez qui, depuis sa plus tendre enfance, il a coutume d’aller louer ses menus services. Le comte Michel Pac*, ancien chambellan d’Auguste III*, s’est installé là, après avoir suivi jusqu'en France son roi, Stanislas Leczinsky*, et il a confié l’administration de ses terres à l’un de ses compatriotes, Adam Weydlich*, familier de la maison Chopin au point que la rumeur publique, reprise plus tard par un grand nombre d’historiographes, veut qu’il soit devenu l’amant de Mme Chopin, Marguerite Deflin*. Toujours est-il que le 15 avril 1771, à la naissance de Nicolas, Adam Weydlich s’est intéressé de près à l’avenir et à l’éducation du jeune homme, au

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point de lui faire passer un brevet d’études secondaires*, puis, lorsque les premiers soubresauts de la Révolution française ont gagné la Lorraine*, de lui proposer de le suivre jusqu'en Pologne. Et c’est au consentement de Nicolas* que l’on a mesuré la force du lien affectif qui unissait les deux hommes car, à la vérité, les possibilités de faire fortune en Pologne sont on ne peut plus aléatoires. Convoitée depuis la nuit des temps par ses puissants voisins, la Pologne a été victime, à la fin du XVIIIe siècle, de la coalition de la Prusse, de l’Autriche et de la Russie bien décidées à se partager son territoire. Sauvagement dépecée entre 1793 et 1795*, elle a vu son dernier roi* abdiquer, puis choisir un exil misérable en Russie où il est mort. et ce n’est pas la glorieuse insurrection de Kosciuszko* qui va sauver le pays du joug de l’envahisseur : tout au plus parviendra-t-elle à préserver le sentiment national et l’orgueil de son peuple martyr.
Or ce soulèvement, Nicolas  Chopin va y prendre part*, preuve que les rumeurs* qui veulent que l’adolescent ait fui la France pour ne pas être enrôlé dans les armées révolutionnaires sont fausses : pour la Pologne, Nicolas, qui a alors dix-sept ans, sait se battre, échappant d’ailleurs de justesse à la mort*.
Le calme – tout relatif – rétabli, Nicolas  Chopin reprend l’étude de son violon, qu’il a emporté de Marainville, de sa flûte, et la lecture de Voltaire, pour qui il éprouve une vive admiration, puis il se met à la recherche d’un quelconque travail.
Le jour, il gagne sa vie dans une petite manufacture de tabac*. Le soir, il étudie ardemment. En quelques années, celui qui était parti de France avec une orthographe balbutiante et de maigres connaissances d’histoire

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parle le latin, l’allemand, l’anglais et le polonais, et possède à fond toutes les subtilités grammaticales et orthographiques du français, si bien qu’il peut envisager de donner des leçons. La Pologne connaît alors un essor intellectuel sans précédent, une soif d’apprendre inextinguible, et le français est à la mode au point que l’aristocratie trouve extravagant de dispenser ses enfants de son enseignement.
Nicolas Chopin est intelligent, il a l’esprit pratique et l’envie de s’élever socialement. Excellent pédagogue, il ne tarde pas à s’imposer à Varsovie comme l’un des meilleurs professeurs du moment, enseignant même un temps à Maria Leczynska, future Marie Waleswska*, la maîtresse de Napoléon, au destin si tragique.
Pour l’instant, elle est la compagne de jeux du jeune Frédéric Skarbek*. L’enfant s’entend à la perfection avec son précepteur et ne cesse de le louer à sa mère. Aussi, lorsque le comte Skarbek, ruiné, poursuivi par des créanciers, choisit d’abandonner sa femme pour fuir en France*, la jeune comtesse, mère de cinq enfants, propose-t-elle à Nicolas  Chopin de la suivre dans sa propriété de Zelazowa-Wola, où ses difficultés financières la contraignent de se replier. [… Paragraphes évoquant la rencontre de Nicolas avec Justyna

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…]
Pour Nicolas, c’est un beau mariage : en France, malgré la Révolution toute récente, jamais un homme de sa condition n’aurait pu convoler avec une jeune femme de cette lignée, mais en Pologne, nul ne pense à une éventuelle mésalliance tant les manières de Nicolas  Chopin en une décennie sont devenues parfaites et occultent toute trace d’origine paysanne.
Un an plus tard, Louise, leur premier enfant, voit le jour* sous d’heureux augures : Napoléon, après sa campagne de Prusse*, vient de libérer la Pologne et de créer le duché de Varsovie*, un événement qui nimbe la

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France d’un prestige particulier auprès de tous les Polonais. A Iéna*, Tilsitt*, Austerlitz* ou Wagram*, les aigles polonaises volent de conserve avec les aigles impériales. »

Notes
*Marainville : Marainville-sur-Madon, située à 25 km au nord d’Epinal et 35 au sud de Nancy ; la « montagne de Sion » (la « Colline inspirée » de Maurice Barrès) se trouve à environ 6 km à l’ouest de Marainville
*Michel Pac (Michał Jan Pac, 1730-1787) : le comte Michał Pac arrive en France vers 1772 ; il achète le domaine de Marainville en 1780. Voir la page qui lui est consacrée.
*Auguste III : sous ce nom, roi de Pologne de 1733 à 1763, simultanément électeur de Saxe (Frédéric-Auguste II de Saxe)
*Stanislas Leczinsky : Stanislas Leszczynski (Stanisław Leszczyński, 1677-1766) : roi de Pologne (1704-1709), puis exilé, gendre de Louis XV (1725), duc de Lorraine de 1737 à 1766
*Adam Weydlich (Adam Jan Weydlich, 1742-ca 1815) :. Il arrive en France en 1770. Voir la page qui lui est consacrée.
*Marguerite Deflin (1736-1794), épouse Nicolas Chopin le 17 janvier 1769
*brevet d’études secondaires : à voir
*lorsque les premiers soubresauts de la Révolution française ont gagné la Lorraine : anachronique ; le retour des Weydlich n’a rien à voir avec la Révolution française, mais est liée à la mort de Michel Pac et à la revente de la seigneurie par sa famille, installée, dans l’ensemble, à Strasbourg
*consentement de Nicolas : le départ de Nicolas vers la Pologne a lieu en 1788 (il a alors 17 ans)
*sauvagement dépecée entre 1793 et 1795 : la République des Deux Nations subit trois partages (1772, 1793 et 1795), le dernier mettant fin à son existence en tant qu’Etat
*son dernier roi : Stanislas Auguste Poniatowski (Stanisław August Poniatowski, 1732-1798), roi de Pologne de 1764 à 1795 ; détrôné par le troisième partage de la Pologne, il finit sa vie en Russie et meurt à Saint-Pétersbourg
*Kosciuszko : Tadeusz Kosciuszko (Tadeusz Kościuszko, 1746-1817), officier polonais, héros de l’indépendance américaine, dirige l’insurrection qui a lieu en 1794 après le second partage de la Pologne
*Nicolas Chopin va y prendre part : dans la Garde nationale de Varsovie (il est alors âgé de 23 ans)
*les rumeurs : fondées sur une lettre de 1790 de Nicolas à ses parents. Voir la page qui lui est consacrée
*échappant d’ailleurs de justesse à la mort : son unité aurait été relevée la veille de l'attaque de Praga (faubourg de Varsovie) par les Russes
*manufacture de tabac : Nicolas Chopin a bien travaillé à la manufacture de tabac de Varsovie, mais au début des années 1790. Voir la page qui y est consacrée.
*Maria Leczynska : en polonais Maria Łączyńska /Wontchénska/ (1786-1817) ; elle n’a donc rien à voir avec la famille Leszczynski
*future Marie Waleswska : Marie Walewska
*Frédéric Skarbek (Fryderyk Skarbek, 1792-1866), juriste et économiste, écrivain, haut fonctionnaire du royaume de Pologne ; il n’est pas le parrain officiel de Chopin, mais est tout de même considéré comme tel. Voir les pages qui lui sont consacrées.
*d’abandonner sa femme pour fuir en France : le comte Skarbek a effectivement quitté son épouse vers 1800, mais je ne crois pas qu'il soit parti en France
*Louise voit le jour : le 6 avril 1807
*campagne de Prusse : celle-ci a lieu à partir d’octobre 1806 (Quatrième Coalition) ; elle aboutit à la défaite et à l’occupation de la Prusse
*duché de Varsovie : créé officiellement au traité de Tilsit (juillet 1807), mais prévu dès la fin 1806
*Iéna : le 14 octobre 1806
*Tilsitt : il ne s’agit pas d’une bataille, mais du lieu (sur le fleuve Niemen) des traités entre la France et la Russie (7 juillet), la France et la Prusse (9 juillet)
*Austerlitz : le 2 décembre 1805
*Wagram : les 5 et 6 juillet 1809

Commentaires
Le laxisme chronologique signalé dans la page précédente est ici très important, affectant à la fois la chronologie historique et biographique. 
Quelques exemples :
1) L'auteur rattache la présence de Michel Pac à Marainville à Stanislas Leszczynski, alors que celui-ci est arrivé en Lorraine en 1737, l'époque de la naissance de Michel Pac, tout en le plaçant comme chambellan auprès d'Auguste III ;
2) Elle indique la présence d'Adam Weydlich et de Michel Pac à Marainville dès avant la naissance de Nicolas Chopin (1771), ignorant le vrai motif de leur venue en France (la crise polonaise de 1768-1772) ; leur arrivée à Marainville est nettement plus tardive ;
3) Situant correctement la venue de Nicolas en Pologne à l'âge de 17 ans (soit 1788), elle n'en évoque pas moins, à ce moment, le début de la Révolution française, et surtout l'insurrection de Kosciuszko (1794).
Il n'y a pas lieu d'insister lourdement.



Création : 10 avril 2017
Mise à jour : 12 avril 2017
Révision : 3 juillet 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 284 Eve Ruggieri 2 : Nicolas Chopin
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2017/04/eve-ruggieri-2-nicolas-chopin.html